Je n’aime pas les Dimanche.
Chaque dimanche soir, je m’enfonce dans les noirs abîmes de mon angoisse existentielle. J’appelle ça mes mini burnouts.
Je me rappelle des vers de l’Ecclesiaste:
Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité.
Quel avantage revient-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ?
Une génération s’en va, une autre vient, et la terre subsiste toujours.
Et je me souviens de tout ce que j’ai fait et de tout ce que je n’ai pas fait: « Je perds au jeu de la vie », je dis aux oreilles qui traînent aux alentours.
J’ajoute: « j’en ai assez d’être complaisant avec moi-même. Ce que j’ai fait, ce n’est rien à l’échelle de ce que je veux faire et moins encore à l’échelle de ce que je peux faire ».
Je me roule en boule et je grogne. Littéralement. Ma gorge émet des sons gutturaux pour manifester la frustration, l’épuisement, le débordement.
Je déteste les Dimanche parce que je n’aime pas me sentir comme ça, impuissant, affaibli, dépassé par la vie.
Pourtant je ne change pas cette habitude. Je pourrais. J’ai les outils pour. Je me surprends parfois à sourire, le Dimanche soir, pas dupe du jeu auquel je me livre. Au fond, je ne crois pas que mes actions soient vaines ou que mes efforts soient voués à l’échec. Je n’ai pas réellement envie de m’enfermer dans une grotte et d’en sortir dans dix ans, pas plus que je n’ai envie de tout brûler pour recommencer à zéro.
Non, pourquoi changerais-je une habitude aussi utile et importante que celle-ci ?
J’ai compris au fil du temps, à force de ces descentes dans les profondeurs de ma psyché, descentes qui ont persisté malgré mes multiples changements de vie, malgré l’acquisition de nouveaux outils m’aidant à être plus flexible dans mes états émotionnels, malgré la solidification de mes racines et de mon ancrage dans le réel, malgré la présence de mes amis, de mes conseillers et de mes coachs, j’ai compris que mon cerveau, dans son infinie sagesse, faisait de lui-même, à la fin de chaque semaine, la vidange et l’état des lieux de ses désirs, ses besoins, ses émotions.
Comme les rêves nous font assimiler chaque nuit nos expériences de la journée, mon état mélancolique du Dimanche me permet d’assimiler les expériences de la semaine et de me reconfigurer en profondeur avant d’engager la semaine suivante.
Loin d’être néfastes, ces plongées abyssales me permettent au contraire d’émerger avec une plus grande clarté le lundi matin. Elles sont le symptôme, la manifestation conscience si vous voulez, du travail organique de mon cerveau.
Depuis ma certification de praticien PNL de janvier, un poster orne le mur de mon appartement: « Trust the unconscious mind ». Cette idée que le cerveau fonctionne si vite que seule une infime portion de son activité est perçue par la conscience m’est familière. Je l’utilise depuis des années quand j’écris, quand j’ai besoin de retrouver quelque chose (je m’en suis encore servi cette semaine pour retrouver ma carte vitale), quand je dois prendre une décision.
Depuis que j’ai commencé à être coach, j’enseigne aux gens à accepter leurs émotions. Toutes leurs émotions. La tristesse – dont mes descentes dominicales sont cousines – est l’émotion de l’introspection. Elle nous permet d’assimiler les expériences de notre vie, de mieux les intégrer en nous tournant vers l’intérieur, en fermant en partie nos sens aux informations venues de l’extérieur.
En me concentrant sur ce qui n’est pas encore exactement comme je le voudrais dans ma vie, en laissant s’exprimer ma frustration, je peux décider si j’en ai toujours envie ou si je peux passer à autre chose. Si j’en ai envie, je renforce ma motivation et mon désir et automatiquement, de façon organique, je hiérarchise les ressources dont j’ai besoin pour réaliser cette envie. J’ordonne mes compétences en fonction de leur utilité pour ce que j’entreprends.
En même temps je purge les frustrations de la semaine en les autorisant à s’exprimer sans frein pendant une soirée. Il suffit parfois d’un bon feu pour tout purifier.
Le lundi, je suis plein d’une énergie propre, neuve, purifiée par la purge de la veille, ma vision s’est clarifiée et mes ressources sont en ligne pour être employée comme j’en ai besoin.
A trop prêter attention à nos symptômes, nous en oublions tout ce qui est en jeu sous la surface. La vérité c’est que nous fonctionnons parfaitement et que nos cerveaux ont mis en place exactement les processus dont nous avons besoin. En apprenant à voir sous la surface, à entendre cliqueter les rouages de notre inconscient, nous pouvons apprendre à avancer plus vite et à aller plus loin puisque nous cessons de lutter contre nous-même.
Robert Fritz parle du Chemin de la moindre résistance lorsqu’il explique que nos énergies (nos actions, nos intentions) suivent le chemin naturel imposé par les structures de notre pensée (la représentation du monde et de nous-mêmes que nous avons intégrée depuis l’enfance).
Certaines de ces structures sont bénéfiques et d’autres nous limitent. Trop souvent, pour distinguer les unes des autres, nous nous basons sur le plaisir des émotions qu’elles nous font ressentir quand, en réalité, nous devrions regarder leur rôle et leur fonction.
Comme le médicament amer que nous devons parfois avaler, il suffit de patienter. Et d’apprendre à aimer l’amertume, habituer son palais à des goûts plus nuancés.
La descente est suivie d’une remontée et c’est les mains chargées de vieux trésors que je fais surface.
Une plus grande clarté, une meilleure détermination, une idée mieux définie de ce que je veux sont le fruit de mes phases introspectives.
D’autres font leur point hebdomadaire uniquement avec leur conscience réflexive. En laissant mon inconscient prendre les commandes, je le laisse utiliser toutes les ressources dont il a besoin. #LâcherPrise
Le principal message de la philosophie et du développement personnel, c’est d’utiliser vos meilleures ressources pour répondre à vos besoins. Si nos émotions sont des ressources, alors la mélancolie est la meilleure émotion pour répondre à ce besoin de vidange des frustrations et de réorganisation des désirs et des priorités. Elle occupe le mental conscient et lui évite de faire des plans inappropriés. Et pendant ce temps, le reste du cerveau s’occupe de tout le travail de réagencement. Parfait!