« Je me sens comme un loser quand je reste seul chez moi pour écrire »
A Seb, qui écrit deux heures tous les soirs, et lit une heure: « Mais tu vois ta femme quand ? »
« Ce n’est pas en regardant des séries/lisant des romans que je vais écrire mes histoires »
J’ai jeté ma télé depuis longtemps.
Je dis rarement « oui » aux soirées.
Je ne m’occupe pas de meubler mon intérieur. Mon appartement est une grotte, une antre où n’entre pas n’importe qui, un espace préservé consacré à la créativité. Y naissent des livres, des fresques que mon fils accroche à son mur, des machines inventées en LEGO, des masques, des danses, …
Quand je dois choisir entre assister à une formation et préserver mon confort financier, je choisis toujours la formation. L’argent est comme l’océan. Il monte, il descend. Il y a le ressac. Il y a la puissance des vagues qui te ramènent vers le rivage et celles qui t’en éloignent.
Les connaissances sont comme des montagnes. Le vent peut les fouetter, les éléments se déchaîner, la neige les recouvrir, les orages s’abattre sur elles, elles restent, immuables. Millimètre par millimètre (43 par an pour l’Everest) elles grandissent, patientes, grâce à la friction des profondeurs.
Suivre une vocation demande des sacrifices
Steven Pressfield compare l’artiste qui vit sa vocation à celui qui vit l’ombre de sa vocation.
Le premier travaille, il vit sans éclat, il est à sa table de création tous les matins et ne s’en détache que le soir. Il accumule les heures, rien d’autre. Lorsqu’il finit un projet, il l’envoie dans le monde et passe au suivant. Le projet est un succès ? L’artiste travaille au suivant. Le projet est un échec ? L’artiste travaille au suivant.
Le second parle, il invite le mélodrame dans sa vie plutôt que sur la toile ou la page. Il accumule les idées géniales et se désole quand un autre les développe avant lui. S’il finit un projet et qu’il l’envoie dans le monde, il se ronge les ongles. Si le projet est un succès, il s’en gorge, il le montre à tout le monde, il en parle encore quinze ans plus tard. Si le projet est un échec, il s’enfonce dans la dépression, il accuse le public, la critique, il geint: « je suis un génie incompris ».
Le premier sacrifie le prestige pour la création.
Le second sacrifie la création pour le prestige.
Quel sacrifice choisissez-vous ?
Important/Urgent
C’est dans le classique de Steven Covey que j’ai été la première fois exposé à ce tableau.
La plupart des gens rebondissent d’urgence en urgence. Factures à payer, crises émotionnelles, problèmes de santé inattendus, la voiture est en panne, ce weekend Gillian fête sa crémaillère, Nell est en ville demain, le téléphone sonne, les emails inondent ma boîte de réception, et je ne parle même pas des réseaux sociaux.
Les urgences sont bonnes à une chose: faire passer la journée sans que vous ne vous en rendiez compte.
Lorsque vous suivez votre vocation, les urgences coulent autour de vous. La plupart des points de la liste précédente peuvent attendre. Le monde ne s’écroulera pas si vous ne répondez pas à l’impératif de l’urgence.
La difficulté se trouve dans la relativité du jugement. L’urgence qui n’est pas importante dans un contexte peut le devenir dans un autre. Si vous avez vu Nell la semaine dernière ou si vous ne l’avez pas vue depuis un an, si elle habite à trente kilomètres ou à sept mille, si c’est une bonne copine ou votre plus intime confidente, si vous êtes fâchés ou si vous êtes dans les meilleurs termes du monde, sa présence en ville n’a pas la même importance.
Embrasser sa vocation demande d’affuter sa machette, de trancher dans la jungle des urgences sans état d’âme, pour garder le cap, pour rester sur le chemin qui est le vôtre, sur la ligne d’action qui vous rapproche de votre montagne personnelle.
La pression du groupe
Difficile de tenir le cap quand vous n’avez pas un puissant groupe de soutien. Les gens dont vous vous entourez vous encouragent : « viens, on va prendre un verre, on va passer une bonne soirée ». « Tu peux bien sortir, t’as bossé toute la semaine ». « Fais pas ton ermite! »
La pression du groupe pèse lourd sur l’artiste en quête de sa réalisation créative.
S’il est vrai que l’on est la somme des cinq personnes que l’on fréquente le plus, faites le point sur votre groupe d’influence. Que font les cinq personnes que vous fréquentez le plus ? En quoi croient-elles ? Comment occupent-elles leur temps ?
Quand vous êtes entouré d’artistes concentrés sur leur vocation, tout ce que vous entendez, c’est: « j’ai travaillé sur mon projet jusqu’à 3h du matin. J’étais debout à 7h ce matin pour continuer », « j’ai du temps ce weekend, je vais pouvoir donner un bon coup de collier à mon projet », « je viens de finir mon livre, je commence le suivant ».
« You’re the man when [everyone] fucks with you. That’s because I believe in something and I stand for it » (Drake in Only)
Quel groupe vous motive le plus ? Quel groupe rend votre concentration plus évidente, plus fluide ? Lequel soutient le plus activement votre propre vocation ? Celui qui dit « je comprends, t’as ta passion mais viens prendre un verre » ou celui qui ne dit rien mais incarne la poursuite d’une vocation ?
Faites ce que vous voulez mais moi j’ai choisi. Je fréquente moins les amis du premier groupe et davantage ceux du second groupe. Ce qui est amusant, c’est que les amis du second groupe ne sont jamais disponibles, parce qu’ils travaillent à leur vocation. C’est une distraction en moins doublée d’un encouragement subtil à travailler. Puisqu’ils le font, puisque c’est la règle dans votre groupe, votre réalité s’en trouve transformée. Vous ne questionnez plus votre chemin, vous avancez.
Choisissez bien vos amis.
Ou, pour le dire comme Nicki Minaj: « Fuck with them real niggers who don’t tell niggers what they’re up to »