Être un adulte responsable, c’est juste savoir prendre soin de ses besoins. Alors c’est un peu plus compliqué en vrai que sur le papier, parce qu’il faut d’abord les comprendre, ses besoins, et savoir les reconnaître n’importe où n’importe quand. On bosse là-dessus, sur le fait de s’entendre et de s’écouter plutôt que de laisser le bordel interne nous paumer, et puis on fait le nécessaire: pour gagner des sous, pour se sentir en sécurité, ce genre de trucs que font les gens dans une société du luxe (vous vivez dans une société du luxe quand tous vos amis ont un logement et un revenu et que la grande question de vos dîners c’est votre détresse existentielle. Je ne crois pas que les réfugiés syriens et les mecs qui vivent sous les bombes en aient quoi que ce soit à foutre des questions existentielles (« qui je suis, qu’est-ce que je suis venu faire sur Terre, quel est le sens de l’éternel retour, comment j’assure mon épanouissement personnel, est-ce que j’aurai trop l’air d’un hipster si j’achète lampe bocal sur Etsy ? »)
Je me suis lassé de lire les bouquins de développement personnel qui disent, en substance: « il y a quelque chose qui cloche chez toi alors fais ce que je dis dans ces lignes et tout ira mieux ». Comme tout le monde je les lisais dans l’espoir d’y trouver un mode d’emploi de la vie, et puis j’ai fini par comprendre 1) que tout le monde bricole et 2) qu’être adulte c’est vivre selon ses propres critères. Depuis je lis des livres qui ne cherchent pas à être dogmatiques, sur des sujets qui m’interpèlent comme le Wabi Sabi. En les lisant, je cherche à me rapprocher de moi, pas à comprendre comment les autres veulent vivre.
Je suis bien. La plupart des gens que je connais sont bien. Ils ont quelques préoccupations, parce qu’ils cherchent à vivre de meilleures vies et à progresser et à se sentir plus mieux (sic) plus souvent. On n’est pas brisés. On n’est pas cassés. Rien n’est à réparer en nous. Être adulte c’est cool. Si je veux passer la nuit à binger Netflix en mangeant des pizza froides, je peux le faire et personne n’a rien à me dire. Ça ne m’empêche pas d’être bien, ça m’aide à l’être.
Être adulte c’est n’avoir de comptes à rendre à personne (sauf aux impôts pour qu’ils sachent combien vous prendre). C’est avoir la pleine et entière responsabilité de sa vie, et c’est ce qui fait flipper les gens.
C’est ce qui fait que le salariat fonctionne, ce qui m’a toujours épaté, pourquoi quelqu’un irait donner son énergie à une boîte pour faire avancer les idées de quelqu’un d’autre ? La réponse est dans la décharge de responsabilité. Plutôt suivre les consignes que d’assumer ses idées et ses envies, c’est un peu ça. Il y a sans doute une explication plus complexe, un truc en lien avec la sécurité (ou l’illusion de sécurité), et avec le sentiment d’appartenance à une culture commune, mais pour moi c’est incompréhensible que ce système réussisse encore à fonctionner, sauf s’il y a derrière un refus des conséquences de la responsabilité: si je suis seul*e à devoir répondre à mes besoins, il faut que je fasse des efforts.
Des efforts pour m’écouter et pour réagir de façon juste et équilibrée à ce que je ressens de ce qui s’exprime en moi. L’autre n’est pas coupable de ce que je ressens. Il/elle agit selon ce qui est juste pour lui/elle dans son contexte actuel. Je ne peux pas le contraindre à agir autrement mais si je ne suis pas à l’aise avec sa façon de se comporter, j’ai le droit de le lui dire et, s’il n’est pas disposé à changer, c’est à moi de décider de mettre fin à la relation.
Les paradigmes dans lesquels nous baignons, en particulier les paradigmes émotionnels, nous entretiennent dans une logique de victimisation. Si je n’obtiens pas ce que je veux au boulot, c’est parce que mon boss et mes collègues me le refusent. Si je ne suis pas satisfait dans mon couple, c’est la faute de mon partenaire, etc. En réalité, si je veux quelque chose, je dois le demander (ou le prendre si personne n’en est détenteur).
C’est finalement ça, être adulte: savoir demander ce que l’on veut.
Et être un adulte créatif c’est comprendre qu’il y a des tas de façon d’obtenir ce que l’on veut et que souvent, ce n’est pas la première idée qui est la bonne. Si je veux plus d’argent, ce n’est pas en travaillant plus ou en restant dans le même job jusqu’à avoir une promotion que je peux le mieux l’obtenir, par exemple. Mais nous sommes emportés sur des voies rapides, comme ces tapis roulants des aéroports, et nous oublions que nous pouvons en descendre quand nous le souhaitons pour essayer autre chose.
La vie n’est pas hyper sérieuse. Nous naissons, nous vivons quelques décennies, puis nous finissons en poussière. Dans le court laps de temps qui nous est accordé, nous devons chercher à profiter au maximum et cela implique de savoir ce qui nous fait vibrer le plus et de concentrer nos efforts sur cette chose-là et uniquement celle-là. (et quand la chose qui nous fait vibrer change, nous redirigeons nos efforts dans cette nouvelle direction). Peu de gens sont prêts à ça parce que cela demande un certain confort avec l’inconfort de l’incertitude et de l’insécurité (financière, émotionnelle, …) mais c’est soit ça soit un dernier souffle à l’allure de regret.