Vivre, aussi insouciant que possible

J’aspire à une telle nonchalance

Je réfléchis, en ce moment, à mon identité. Mon identité d’artiste, je veux dire.

Le truc c’est qu’à seize ans j’ai dit: « je serai romancier » et en 2004 quand j’ai signé mon premier contrat d’édition pour un roman, je me suis dit « c’est bon, j’y suis! ». Un an plus tard, quand j’ai remis le manuscrit à mon éditeur, il m’a annoncé qu’il mettait la clef sous la porte. Ouch.

Je n’ai pas eu le temps de rebondir, j’étais pris dans une prestigieuse école de scénario pour apprendre mon métier: conteur (oui, techniquement scénariste, mais en vrai j’ai appris à raconter des histoires!).

Flashforward treize ans plus tard, j’ai écrit pour la télévision, écrit pour la presse, publié des nouvelles, gagné un prix pour l’une d’elle, publié des guides pratiques, des formations, un essai. J’ai lu tellement sur la créativité et l’écriture que j’ai monté une école pour apprendre à d’autres ce que j’en ai compris. J’ai même écrit pour un jeu d’Ubisoft même si, techniquement, c’était du contenu marketing et pas de l’écriture de jeu. Ah! et j’ai aussi conçu une murder party qui a été publiée par le magazine pour lequel je bossais.

Je vois bien que la plupart des aspirants auteurs respectent ce parcours. Ils viennent me voir pour savoir comment on fait et je le leur dit mais toutes les nuits je me couche avec la honte de n’avoir jamais publié de roman.

C’est un problème parce que même si je travaille à un projet de roman en ce moment-même j’ai mis une telle pression sur ce livre que je n’arrive pas à le finir. Je connais bien le problème, je l’ai vu sur mes clients. Et je sais bien l’absurdité du truc mais c’est comme ça, je suis humain, il y a des tas d’absurdités dans ma vie.

Se mentir pour chasser l’insouciance

Je me raconte des histoires, comme « j’ai besoin que ce roman me fasse décrocher un contrat avec un éditeur prestigieux, c’est comme ça que je saurai que j’y suis » (lisez: « comme ça que je guérirai la déception que je n’ai jamais pris le temps d’adresser d’avoir vu ce contrat être avorté avant la fin du process ») puis « non non, il faut qu’il devienne un méga best seller, comme ça je pourrai écrire ce que je veux » (lisez: « j’ai peur de m’exposer au monde pour trouver mes lecteurs ») et puis « non non, il faut que ce livre soit l’œuvre qui me définira en tant qu’artiste » (oui, parce que je n’en écrirai pas d’autres après).

Bon, on va pas se mentir, tout ça sert à masquer le fait que j’assume mal le fait d’écrire des histoires pour ado, que je n’ai pas écrit un format long depuis ce fameux roman de 2004 et que je ne suis pas sûr de réussir à le faire correctement, ce qui serait une triple honte vu que c’est mon boulot que d’apprendre aux gens comment le faire et que j’ai commencé à faire ça il y a vingt ans et que j’avais écrit trois romans complets avant mes vingt-cinq ans (or, en théorie, nos compétences s’améliorent avec le temps, sauf quand on passe la frontière de la sénilité, ce qui est une putain de tragédie).

Je suis aussi en galère de thunes tout le temps, parce qu’être un travailleur indépendant tu gagnes à la hauteur de ce que tu bosses et que je garde mon temps pour écrire des romans que je ne termine pas, et parce que j’ai décidé que la vie était trop courte pour respecter des budgets.

Je mange à peu près correctement mais j’éclate mes cycles de sommeil sans aucun respect pour mon équilibre émotionnel. Ah, et j’ai tendance à boire trop de café, ce qui pourrit ma mémoire de travail.

Échouer à la vie et être ok avec ça

Globalement j’ai le sentiment d’échouer à la vie. C’est un sentiment pourri, c’est vrai, et une notion qui ne répond à aucune réalité (on ne peut pas échouer à la vie ; on peut ne pas cocher les cases des statuts valorisés par notre société (accidentelle) mais échouer à la vie ce n’est pas quelque chose qui existe: Tu nais, tu vis, tu meurs, bingo).

Mais ça ne m’empêche pas de continuer à avancer et à m’accrocher et à bricoler ce que je peux comme semblant de stabilité et à sortir des bouquins quand même. Je ne sais pas ce qu’il se passera quand j’aurai sorti mon roman. Sans doute rien, sans doute que je verrai tout le travail que j’aurais pu faire en plus. Peut-être que je ressentirai une certaine forme de soulagement, vu le temps depuis lequel je me crispe autour de l’idée de sortir un format littéraire long (ironiquement cette crispation contribue à ma difficulté à sortir le truc). En attendant, je dois trouver des solutions pour me mettre au travail, multiplier les coachs pour qu’ils fassent avec moi ce que je fais avec mes auteurs : m’aider à garder le cap (c’est essentiel d’avoir une équipe dans son camps, indispensable même).

Donc voilà, j’échoue à pas mal de choses importantes. Et je crois que c’est ok, que ce ne sont même pas vraiment des échecs mais des façons d’avancer. Alors j’avance. Un pas de fourmi après l’autre. Et j’aime être un blogger aussi, même si je ne sais pas toujours où est la cohérence dans ce que je raconte.

Mes échecs sont des leçons, des informations qui me permettent de mieux savoir ce que je veux ou pas, de mieux cerner ma passion et la mission que je veux avoir dans ce monde, et l’une de ces missions c’est d’offrir un peu d’indulgence, parce qu’on en manque, parce qu’à force d’être bombardés par des histoires idéalisées d’immenses succès sans contrepartie, on en oublie que la vie, la vraie vie, est faite de bricolages et de tâtonnements et que plus vite nous acceptons cet aspect de la réalité plus tôt nous pouvons nous offrir le luxe de vivre la vie la plus proche possible de ce à quoi nous rêvons.

Construire ma vie, un mot à la fois

Je suis un auteur, un presque-romancier, un blogger, un nouvelliste, j’écris sur l’ambition et les vocations et les choix que nous faisons pour des raisons qui n’ont souvent rien à voir avec l’objet de notre choix, j’essaye de pas trop me chier en tant que père, je fais n’importe quoi en tant qu’entrepreneur.

J’ai décidé que cette année je miserai davantage sur la promotion de mon activité d’auteur de fiction parce que j’en ai marre d’attendre que les conditions qui doivent me permettre de m’y consacrer soient réunies. Et parce qu’en faisant ça, je m’oblige à avancer sur le roman. La première chose qui change, pour vous, c’est mon prestataire d’emails.

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Un peu de musique pour finir