Impression que ça fait mille ans que je n’ai pas posé de mots. Vraiment posé. Pas dire pour dire, mais laisser jaillir la lave incandescente de la vérité du monde. Le mien. Du moins celui qui me traverse pour se rendre visible. Je ne m’y reconnais pas toujours. Ce n’est pas le propos. Écrire, ce n’est pas m’écrire. C’est me rendre disponible aux flux qui cherchent à s’exprimer à-travers moi.
Mille ans.
Mille ans à pas me sentir bien. Parce que ne pas écrire, c’est laisser moisir à l’intérieur ce qui devrait jaillir. Les mots ne sont pas faits pour être retenus. Rien ne sert de les laisser mûrir.
J’ai quarante ans devant moi à produire sans discontinuer. Les mots qui s’imposent, sans illusion de contrôle. J’arrête de me soucier de l’image qu’ils renvoient de moi. J’arrête de vouloir dominer une vérité qui me dépasse. J’ignore qui je suis. Je ne fais que le découvrir. Et tant pis si je n’aime pas tout ce que je découvre.
Impossible que je laisse comme ça passer mille ans en verrouillant les écoutilles. Tant pis si les circonstances ne sont pas idéales. Tant pis si mes responsabilités assèchent mon temps disponible et si je dois me remplir de café à en faire éclater mes nuits, pour voler une heure de plus à l’agitation.
J’apprends à me recoucher le matin.
J’apprends à faire passer le (réellement) plus important en priorité.
Pas le choix. Mille ans à ce régime, c’est insoutenable.
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