Je suis comme je suis

« Malheur à qui me frôle, je suis comme je suis. Plaisir à qui me prend. Malheur à qui me prend » (Lavilliers)

Pas de justification pour mes départs. Des fourmis dans les jambes et le ventre qui gronde. Je disparais sans prévenir, sans annoncer si oui ou non je reviendrai. C’est que j’en sais rien et que c’est cette incertitude qui m’habite.

Minuit. Enfin la maison se fait silencieuse. Enfin, la solitude. Je peux. Peut-être. Un peu. Relâcher mon dos. Relâcher mes épaules. Sentir monter les mots qui sont, d’abord, des courants furtifs, incendiaires, explosifs. Les laisser m’envahir en sachant le silence. Le silence durable de l’immobilité domestique. Personne pour surgir derrière moi et épier ma concentration. Pas un mot à filtrer. Pas d’interruption à prévoir. Rien qu’à me laisser envahir, envelopper, emporter.

Ah ben non, tiens. Du mouvement. Des gyrophares. Un couloir éclairé. Je sursaute. Crispé, arraché à mon élan. L’effort qu’il faut pour le retrouver. C’est tellement plus reposant de parler avec les robots. De cliquer sans y penser. De me dire « et si… » « je pourrais… ». J’esquive la souffrance d’être emporté/arraché/emporté/arraché/emporté/arraché/emporté/arraché… mais si j’esquive trop alors je ne crée plus rien. Juste l’ombre d’une idée ou la possibilité d’une œuvre.

Je n’ai pas soif de possibilités mais d’achevés.

Quand j’en ai fini avec mes responsabilités c’est enfin mon tour de recevoir mon attention.

Alors que ça gronde, mes crocs s’aiguisent. Mes grognements montent. Malheur à qui me frôle.

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