L’image de ton corps délié dans le film de ton esprit, celui que tu as semé dans mon imagination, a pris racine et laissé fleurir de rondes capsules de toi qui se promènent dans les chambres à écho de mon corps.
Écrire et sans un mot te prendre. Faire glisser les étoffes bruissantes sur ta peau, et retrouver le soyeux de ta souplesse. C’était le début d’un film dont je n’ai pas vu la fin, distrait que j’étais par le mouvement de l’existence.
Fauché, des ennemis à tous les coins de rue, des gens déçus par les promesses que je ne leur ai pas faites, je trébuche à la recherche du sens de ces choses-là. Agnès un jour a dit « je ne suis pas encore sûre que ça en vaille la peine, cette vie » et chaque jour je comprends un peu mieux cette question.
Un corps chaud pour compagnie, un peu de musique, la répétition des jours encore, et encore, et encore les mêmes choses à vivre. On n’y échappe pas, à cette circularité de l’existence. Et pour quoi ? Pour finir en poussière au fond d’une boîte au fond d’un caveau ou en cendres éparpillées au vent.
La conscience de notre mortalité devrait nous pousser à profiter davantage de chaque instant, au lieu de quoi nous vivons pétrifiés à l’idée de faire une erreur, de ne pas être aimés, de nous faire rejeter.
J’ai récemment réalisé que je préférais souffrir de ne pas aller au bout de ce que je voulais que risquer de souffrir que ça ne marche pas. Absurde réconfort de la familiarité.
Alors bien sûr, j’ai mis un coup de pied dans tout ça et j’ai publié deux livres en trois mois. Parce qu’il n’y a pas de temps à perdre en stupidités.
Et toi tu m’écris tes délicieuses rêveries et je ne demande qu’à jouer à ce jeu mais je ne veux pas que l’on se blesse à trop se protéger l’un de l’autre, à craindre ou à espérer ce qui n’est pas. Alors je me crispe et je détourne la conversation.
Qui a le temps de badiner, de toutes façons, avec des enfants et une vocation et les autres, tous ces autres qui égaient la vie ?
Mais dans ma solitude baignée de musique triste, j’en arrive à me demander de quoi je me protège, au fond, sinon de l’inconfort d’une discussion sincère et vulnérable et posée comme je sais en avoir. C’est comme si j’avais perdu le courage. Comme si je n’avais plus la force de vivre pleinement, comme si j’étais en train, l’air de rien, de baisser les bras et de me résigner.
C’est peut-être aussi la pluie, tout bêtement, et cette météo qui ne sait pas plus à quoi s’en tenir que moi.