Quand j’écris

« Dans la pratique, Le Roman reste une succession de corps abstraits venus d’Europe de l’Est ou de la campagne états-unienne.

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– Ça avance bien ?

Elle est sans pitié et ne le sait même pas. Je vide mon verre, le remplit à nouveau. Le sake est meilleur tiède et il est déjà en train de refroidir.

– Ça va.

– Tu ne m’en parles jamais vraiment, je ne sais même pas de quoi ça parle.

– Tu sais, c’est l’histoire de ce type qui veut réaliser son désir de cœur mais la peur l’en empêche. Un peu comme toi avec ce départ à Nantes.

Diversion. Elle tique à peine.

– C’est assez banal comme histoire, il lutte, il lutte, et c’est quand il lâche finalement prise qu’il réalise que ce qu’il voulait vraiment était sous ses yeux depuis le début. Sauf que là ce n’est pas ce qui arrive.

– Ah non ?

– Non, là il réalise que cette idée selon laquelle ce qu’il avait sous les yeux depuis le début était ce qu’il voulait vraiment, cette idée n’est qu’une excuse romantique pour ne pas voir qu’il s’est résigné à vivre une vie médiocre.

Son front se plisse. C’est l’affaire d’une toute petite ride presque invisible sous le fond de teint.

– Et qu’est-ce qu’il fait après ?

– Rien. Il s’est résigné. Maintenant il vit avec la conscience de sa lâcheté.

– Mais c’est horrible.

– C’est la vie de la plupart des gens.

– Je croyais que les écrivains étaient là pour nous rappeler ce dont nous étions capables.

Une autre certitude que j’ai dû asséner un jour de faiblesse (quatre-vingt dix-huit pour cent de mes jours sont des jours de faiblesse)

– La littérature est aussi là pour nous servir de miroir. Si on n’aime pas ce qu’elle nous renvoie, libre à nous de le changer.

Je mens comme je respire. La vérité c’est que je suis amer et que le cynisme s’est emparé de moi comme une ultime stratégie de mon inconscient pour me secouer. »

Extrait de La Révolution des Zèbres, v1.