Certains jours, les mots

Rouillés.

Réfractaires.

Synapses paresseuses.

Pourquoi une telle haine des phrases nominales ?

Tout un livre en phrases nominales.

Aucun verbe, mais des mots, des choses, des images, des sensations, le langage en passerelle vers l’expérience sensible.

Absence de verbe, absence de point de vue ? Non.

Le filtre d’une subjectivité derrière le choix des impressions et des mots.

Parfum entêtant de l’encens.

Fragments d’existence pour impressionnisme radical.

Aussi peu de déterminants que possible.

Libre cours de l’imaginaire. Flottement. Apesanteur. Soudain, un flash comme un rayon de soleil dans la dentelle d’un nuage orageux.

Vieux thé surinfusé à la saveur passée de photo sepia.

Du mouvement sans action. Coup de vent glacial dans les rideaux.

L’articulation souple de la poignée d’une fenêtre.

Tranches vieillies des livres en ligne sur leur étagère. Classification par collection. Désordre alphabétique. Désordre des tailles. Tas de livres sur le plancher, sur la table basse, dans un frigo désaffecté, volumes à l’horizontale dans les tiroirs. Boulimie de mots et d’histoires.

Pourtant certains jours, l’anémie lexicale. Pas tant lexicale, d’ailleurs, que de destination ou d’itinéraire. Ou les deux.

Alors, un fer à repasser rouillé. Un grille-pain grillé. Une sculpture éventrée. Une plante avachie. Un bouquet desséché. Une épave échouée dans le cerveau et dans le corps et dans la pièce et sur la page.

Certains jours, les mots.

Photo de Francesco Ungaro sur Unsplash