Le théâtre, les romans, les lecteurs, le plaisir de découvrir et partager de nouvelles histoires
Cette expertise que j’ai développée au fil des années, de voir le monde et de le retranscrire, de me connecter à l’existence et aux gens, de transcender les détails du réel et d’écrire des histoires fortes, riches d’émotions.
Cette passion de l’écrit, de la capacité d’un livre à changer une vie, à influencer un regard, à faire vibrer la corde sensible de l’humanité à travers le récit d’une expérience singulière.
Je ne suis pas un expert de moi, je trouve moins facile d’avoir ce recul sur moi qui permet de dire pourquoi je suis animé par le désir d’écrire. Surtout que c’est là depuis toujours. Je ne sais pas si je cherche vraiment à accomplir quelque chose avec l’écriture (à part raconter de bonnes histoires), je crois que c’est ma manière de digérer le monde: recevoir beaucoup, avaler de la matière première, et la retranscrire.
Écrire me permet d’être en lien avec les parties invisibles de ma psyché, de me connecter au monde, de prendre le temps d’observer, d’écouter, de ressentir ce que la plupart des gens, pris dans le speed de leur vie quotidienne, n’ont pas l’opportunité de voir.
Je voudrais réussir à monter une pièce de théâtre. Ma pièce. Je n’ai jamais fait ça. Je ne sais pas comment on s’y prend, par où l’on commence, quelles sont les étapes. Ça me va. Je vais apprendre. Je commence par monter un dossier de demande de subvention, pour donner un peu plus de crédibilité au projet si je dois aller démarcher des troupes ou des théâtres. Et pour franchir les étapes plus en douceur. C’est une façon d’avancer avec la peur.
Les choses nouvelles
C’est terrifiant de faire quelque chose d’inédit. J’allais écrire une connerie, genre comment c’est facile en tant qu’enfant de faire des choses nouvelles et comment l’on perd cette simplicité en vieillissant. Et c’est peut-être à moitié vrai des nourrissons, qui sont complètement inconscients et font des trucs débiles comme de mettre des fils électriques dans leur bouche uniquement parce qu’ils ne se sont pas blessés assez souvent. Mais c’est faux des enfants en général. Quand je regarde les enfants autour de moi le simple fait d’essayer un nouvel aliment les terrorise, alors se lancer dans une nouvelle activité, c’est n’importe quoi, il faut les rassurer, les menacer, les convaincre, toutes les ruses sont bonnes. Et après ils haussent les épaules et disent: « ça va, c’était pas mal ».
Faire des choses nouvelles s’apprend, c’est une compétence que l’on développe une fois adulte et qui demande du courage parce que c’est terrorisant de se lancer dans un truc qu’on n’a jamais fait avant. Globalement on a l’idée de ce que l’on veut réaliser mais aucune idée ni du chemin ni des nuances ni du résultat que l’on obtiendra. Ce que l’on sait avec un grand degré de certitude c’est qu’en général quand on débute, on est nul. Les premières fois sont pourries. On s’en souvient avec une certaine condescendance. C’est facile, quand on est à sa centième tentative, de se moquer du foirage total de notre première fois. On était pourtant autrement plus courageux la première fois qu’on ne l’est là, à notre centième expérience. Il n’y a aucun mérite à faire un truc pour la centième fois, même si le résultat est top.
Donc, le théâtre. Je ne sais pas si j’y arriverai, je ne sais pas si je vais me pisser dessus et faire marche arrière pendant 15 ans avant de réessayer. Je ne sais pas si je vais réussir à monter ma pièce, ni combien de temps ça va prendre. Je n’en suis pas à me demander s’il y aura du public. Pour l’instant le simple fait d’imaginer trouver un théâtre et une troupe me semble aussi accessible que d’aller passer le weekend sur Mars. C’est le genre d’expérience qui commence par une idée du genre « tiens, si j’essayais de monter ma pièce » et qui se finit dans un théâtre, dans le noir, à voir des acteurs jouer tes mots et dire tes mots et tout ce à quoi tu peux penser c’est « Comment j’en suis arrivé là ? »
Les roues crantées
Parce que la vie, et les projets créatifs, c’est ça: une série d’engrenages qui s’enclenchent avec plus ou moins de friction et qui t’entraînent là où tu ne t’attends pas à arriver. Un jour tu vois une roue crantée et ça t’amuse de la faire tourner mais tu n’as pas vu qu’elle était reliée à tout un mécanisme qui est lui-même relié à l’intégralité de ton existence. Et là, boum, à cause d’une petite poussée irréfléchie du bout de ton index un jour face à un engrenage, plus rien n’est pareil.
J’aime ça. J’aime cette mécanique qui m’échappe. J’arrive à comprendre comment une mini décision peut avoir des conséquences majeures et parce que je le comprends j’essaye de l’observer. C’est sans doute aussi un peu ça que je cherche à explorer dans mes livres, la relation entre nos décisions et les vies que nous vivons. Comment une action en apparence anodine est capable aussi bien de rester anecdotique que de modifier la forme de notre avenir.
La pièce ne parle pas de ça. La pièce parle d’amour et des mouvements de l’amour et de l’absence de corrélation entre le sentiment amoureux et nos configurations romantiques.
C’est trop tôt pour en parler. Pour l’instant, c’est un projet parti pour m’occuper quelques années.
Et le reste
J’ai aussi des projets de livres, bien sûr. Fin 2018 j’ai trois romans que je veux finir, ce qui me prendra au moins 2 ans. Et des projets de nouvelles, des projets opportunistes, dans le sens où je regarde les concours et les appels à textes et je choisis d’y répondre. C’est de là que mes projets courts naissent. C’est rare aujourd’hui que j’écrive une nouvelle juste pour moi, contrairement aux romans.
La raison à ça c’est que je suis entré dans une nouvelle phase de ma carrière et que cette phase implique d’avoir des projet avec un public plus vaste. Or le public des lecteurs de nouvelles est plus restreint que celui des lecteurs de romans. C’est comme ça, c’est factuel.
Être artiste n’a pas de fin. C’est une façon d’être au monde. On n’est pas artiste parce qu’on produit des choses (même si on ne l’est pas non plus si on n’en produit pas), on est artiste parce qu’on prend le temps de recevoir le monde et de le restituer sous une forme unique.