Je suis parti pour une semaine à Toronto.
Je m’y suis senti chez moi. Ces cinq années montréalaises que j’ai vécues il y a quinze ans ne m’ont jamais laissées et le sirop d’érable coule encore dans mes veines. Les parfums, la densité de l’air, l’orthogonalité des rues et des trottoirs, les couleurs, les sons… Autant de détails qui m’ont indiqué: tu es chez toi, bienvenue à la maison.
Sur le paillasson de la maison où je louais une chambre: « you’ve arrived ».
Je me sentais en sécurité dans cette ville que je visitais pour la première fois. Parler anglais, entendre parler anglais, cela contribue à mon sentiment de paix. J’ai associé à cette langue, cela va sembler étrange, une personnalité bien plus proche de l’individu que j’aspire à être que celle qui me vient quand je parle français. Ma théorie est celle-ci: nous associons un usage du langage, des tics de pensées à chaque langue. J’ai appris l’anglais pour développer mes compétences professionnelles, une certaine notion de la productivité, de l’abnégation, de la réussite. J’ai assimilé tout un vocabulaire, une tonalité, qui me rendent plus « grand » lorsque je parle anglais.
Est-ce étrange ?
Je suis parti sans faire de plans. J’assistais à une conférence le premier weekend, mais pour le reste de la semaine, je suis resté ouvert. Résultat, cette ouverture m’a rendu adaptable. J’ai rencontré du monde lors de la conférence, et me suis fait de nouvelles connaissances, des amis sans doute pour certains d’entre eux.
Rentrer, samedi dernier, a été douloureux. J’avais envie de rester.
Je suis passé par Paris, chez Laurent, chez qui je trouve toujours un havre de sécurité et de paix. C’était une transition nécessaire mais au bout de deux jours, j’ai eu envie d’être chez moi. Mon fils est avec sa mère. J’allais me retrouver seul.
Paradoxalement, j’appréhendais cette solitude davantage que l’idée d’être seul à Toronto pour une semaine. Celle-là, j’y aspirais. Toujours ces habitudes. Notre maison de Bordeaux est remplie de la présence d’Othis. Ses jouets traînent partout et il y a son rire qui résonne entre les murs, et ses petits pas que je m’attends à entendre à tout moment.
Mais quand je suis arrivé, quand j’ai poussé la porte, je me suis senti accueilli. Il faisait frais, l’air sentait bon, et j’ai retrouvé cette maison qui est la mienne.
Cet été, à six mille kilomètres de distance, je suis rentré deux fois chez moi.