Couché à 4h (J’ai reregardé L’Auberge Espagnole. Donc forcément, je me suis endormi avec Casse-Tête Chinois)
Levé à 9h.
Mood : ràf.
Le small talk me demande énormément d’énergie. Je préfère poser des grandes questions aux personnes. De quoi t’as peur ? Qu’est-ce que tu regretteras de ne pas avoir essayé le jour de ta mort ? Quel est le grand rêve après lequel tu t’empêches de courir ? Ce genre de choses me donne vraiment l’impression de me connecter à quelqu’un. J’aime parler projets, obstacles, grandes déceptions, grandes joies. Parler de nos tracas administratifs, de ce qu’on a mangé hier, de nos dernières vacances, de tout ce qui fait le tissu superficiel (la nappe ? le set de table ?) de nos relations, m’ennuie. Ça ennuie tout le monde. C’est juste qu’on se retient de parler des choses qui nous importent vraiment. Je crois pas qu’on ait peur de quelque chose, je crois qu’on est conditionnés comme ça.
Et puis je crois que beaucoup beaucoup de gens sont résignés. Aussi, une bonne partie des humains n’est pas câblé pour l’ambition. Ils sont heureux de suivre le mouvement, de trouver une place pas trop inconfortable dans la société et de s’y maintenir le plus longtemps possible. Je ne juge pas. Je l’écris pour m’en souvenir. Pour me rappeler qu’avec beaucoup des personnes avec qui l’on est amené à interagir, la conversation reste en surface parce qu’il n’y a rien d’autre que la surface.
Je suis bien conscient que ce que moi je considère comme le fond, la moelle juteuse de la vie, cette partie de notre incarnation qui me donne le plus envie d’y planter mes dents, pour la plupart des gens, c’est du vent, des rêves immatures, de l’irresponsabilité, un déni de réalité (parce que la réalité c’est les fiches d’impôts et l’inflation et le dernier hoquet à la mode de l’Histoire.
Différentes réalités. Aucune n’est meilleure qu’une autre en soi. Mais l’une est meilleure pour moi et l’autre meilleure pour eux. Tant qu’on se souvient que cette différence (entre ce qui est meilleur pour toi et ce qui est meilleur pour toi) n’est pas une menace pour ma propre vie (en tous cas tant qu’on ne vit pas dans une société autoritaire qui cherche à imposer sa règle à tous ses sujets, auquel cas il convient de fuir). Tant qu’on se souvient de ça, pas de problème.
Comme je doute constamment — de moi, du monde, de mes perceptions, de tout —j’ai tendance à chercher de l’apaisement chez les autres. Je lis. J’écoute peu de podcasts — qui me demandent trop d’énergie pour trop peu de gain. Il y a beaucoup de gens qui écrivent qui ont l’art de le faire comme s’ils étaient sûrs d’eux. Comme s’ils avaient décodé le monde et trouvé LA vérité UNIVERSELLE. Le mode d’emploi infaillible pour UNE VIE RÉUSSIE.
J’allais dire « comme si on pouvait rater sa vie » mais en fait, si. Je crois que si l’on meurt en se disant « j’ai merdé », c’est qu’on a raté le coche. Si on meurt en se disant « j’aurais pu mieux faire mais j’ai tout donné », c’est différent. Je ne pense pas qu’on puisse raisonnablement espérer s’allonger sur l’idée qu’on a plié le game. Ou alors c’est qu’on a un sacré ego et franchement, je crois que ça mérite un salut.
Bref. D’après les « règles » qu’on trouve sur une vie réussie, il y a tout un pan sur la vie sociale. Bon. J’ai essayé. J’ai vraiment essayé. Je ne suis pas fan des relations sociales.
Je vais reformuler ça : je ne suis pas fan des relations sociales de papotage. Pour une partie c’est mon âge. Mais pour une grosse partie c’est juste mon câblage. Même gamin ou ado, je ne courais pas après. J’ai toujours préféré quand il y avait une activité pour me stimuler : un jeu de société ou un projet, souvent. Je ne m’ennuie pas forcément sur le moment mais la sensation de vide qui m’accompagne après la relation m’offre un indice assez solide du fait qu’en fait, j’aurais été aussi bien à faire autre chose — typiquement, seul avec un bouquin ou à discuter de son projet avec un auteur ou à apprendre une nouvelle langue ou à dessiner.
Je ne suis pas un grand fan d’activités en extérieur. Mes parents me traînaient en forêt quand j’étais môme. Pour « prendre l’air » et jouer. Une fois sur place, pas maso, je trouvais un moyen d’y prendre du plaisir et ne voulais plus repartir, ce qui était sûrement pris comme un signe que j’avais juste besoin d’être motivé pour sortir mais que c’était quelque de bénéfique pour moi.
Franchement ? Non.
Je veux dire, c’est sympa. Apparemment ça a des effets positifs sur notre état psychologique. Mais j’aime mes angoisses. Elles me poussent hors de l’autocomplaisance. Elles nourrissent mes aspirations.
Maintenant, si tu me mets à une table avec quelqu’un, ou dans un parc, je ne vais pas faire la tête. Je vais me prendre au jeu. Je vais entretenir la conversation, m’intéresser à la personne, écouter ce qu’elle aime. Ça ne veut pas dire que je m’éclate. Ni que je vais avoir envie de le refaire.
J’ai voulu tester ça récemment. Je me sentais coupable de ne pas entretenir mon « réservoir social » alors j’ai appelé des potes. J’ai vu des gens. J’ai passé des moments agréables pour la majeure partie. À une ou deux exceptions près, je serais resté chez moi avec un bouquin, ma vie n’aurait pas été moins bonne.
Ça ne dit rien de mes amis, que j’adore et qui sont formidables et qui sont des personnes avec des vies remplies de sens et d’émotion. Ça dit quelque chose de moi. Des choses de l’existence qui me font vibrer. Des pièces de puzzle qui contribuent à donner du sens à mes journées. C’est une question centrale pour moi depuis 2 ans : Comment j’ai envie de remplir le temps de ma deuxième moitié de vie ? À quoi j’ai envie de consacrer mon attention ?
J’ai passé 40 ans à collecter des données sur le monde. À tester des trucs. Je déteste dire que je commence à me connaître, parce que je reste attaché à l’idée qu’on est en évolution constante et que demain, je peux être un autre que celui que je suis aujourd’hui — avec d’autres envies, d’autres modes de fonctionnements, d’autres hiérarchies d’action, d’autres projets. Disons que je prête un peu plus attention à mon câblage. Qu’est-ce qui m’électrise ? Qu’est-ce qui m’allume ?
C’est à ça que je veux consacrer mon temps.