Copilote

Prendre le Soi comme copilote de sa vie revient à se laisser guider par ses intuitions. Celles qui prennent racine dans le ventre et le cœur, même si la tête ne voit pas encore clairement comment le passage à l’action sera(it) possible. C’est le principe d’avoir une vision et de vouloir la rendre tangible. D’abord, elle nous semble lointaine, évanescente. Le cerveau s’occupe de chercher un plan. Le piège vient lorsque le cerveau cherche un plan pour ne surtout pas changer. Quand, paniqué à l’idée de pouvoir échouer, il met son pouvoir créatif au service de la recherche (et de l’invention) d’obstacles, de raisons pour justifier l’impossibilité de la vision. Dans ces cas-là, nos trois intelligences sont déconnectées. Alors que toutes pourraient se mettre au service de l’expression et de la réalisation la plus complète de Soi, elles tirent le carrosse dans des directions contradictoires.

Quand la vie intérieure parle, comment peut-on l’écouter sans laisser l’attachement que nous avons à notre réalité familière et connue nous détourner des mues exigées par notre pulsion de vie et d’épanouissement. Notre imagination peut aussi bien nous amener à créer le film de nos échecs et de nos dégringolades à venir que celui de nos ascensions et de nos réussites les plus profondes.

Puisque la raison d’être de cette vie est de nous emmener vers l’exploration de nos profondeurs et l’expression la plus libre et complète et affirmée de notre vérité intérieure (cette vérité que nous peinons souvent nous-mêmes à entendre), alors je choisis de consacrer mon attention, mon énergie, mon temps, mon dévouement, ma détermination à restructurer ma réalité aussi souvent et aussi complètement que l’exigera ma justesse intérieure.

Oui, cela finit par être éreintant, mais entre la fatigue qui naît de l’exigence d’être Soi et la torpeur de l’anesthésie psychique, mon choix est fait depuis longtemps. Je ne suis pas ici pour m’engluer dans le suc d’un confort de surface, mais pour explorer mes possibles, pour repousser sans cesse les frontières de mon être, et pour découvrir des horizons toujours plus vastes vers lesquels projeter ma lumière.

Il ne s’agit pas de chercher l’instabilité, ni de fuir confort et sécurité intérieures, mais de ne pas renâcler lorsque s’impose avec clarté une bifurcation sur mon chemin de vie. De protester, peut-être, mais de remonter mes manches et d’empoigner la crinière de ma destinée à pleines mains tandis que son galop enfle et qu’elle m’entraîne dans une nouvelle zone de chaos. Le chaos est temporaire. De l’autre côté de la turbulence, je trouve une nouvelle zone du mandala qu’est mon existence.

Petit à petit, le dessin de mon destin se précise.

Photo de Lison Zhao sur Unsplash