[CDD] Distinguer le ressenti de l’analyse

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Reader,

Dans la lecture que nous faisons des différentes versions de nos textes, et aussi dans les retours que nous offrent nos lecteurs, à tous les stades du projet (de la ß à la version éditée), il convient de distinguer entre le ressenti, toujours juste, et l’analyse, qui peut être fausse.

Le ressenti, c’est la sensation intime, subjective, qui trahit la réaction émotionnelle du lecteur face au texte.

L’analyse c’est l’explication que nous construisons pour donner sens à ce ressenti.

Nous pouvons ressentir un décrochage face à une scène mal construite parce que nous nous ennuyons.

Nous pouvons analyser que cette scène nous a ennuyé parce qu’elle a manqué de rythme, par exemple.

L’analyse est intéressante et utile parce qu’elle nous permet d’amener le texte vers la version qui colle le mieux à nos intentions.

Ce n’est pas toujours pour le corriger — on peut vouloir rendre palpitantes les parties ennuyantes –, cela peut aussi être pour le pousser plus loin — on peut vouloir rendre encore plus déchirante une scène déjà émouvante.

Pour pouvoir rapprocher le texte de nos intentions à partir d’un retour de lecture (que l’on se fasse ce retour à soi-même ou qu’il vienne d’un lecteur), nous avons besoin d’identifier avec justesse les causes (mécaniques) qui sont à l’origine du ressenti (instinctif).

En identifiant les bonnes causes, nous identifier des leviers d’écriture pertinents. Par exemple, si l’ennui vient bien d’un manque de rythme, il me suffit de questionner et travailler le rythme de la scène pour chasser l’ennui.

Là où cela se complique, c’est l’analyse n’est pas toujours bonne.

Le ressenti, lui, l’est toujours. On ne peut pas douter d’un ressenti. Le lecteur vit ce qu’il vit.

La difficulté vient de ce qu’un même ressenti peut venir d’une multitude de facteurs différents.

Une partie de ces facteurs dépend du lecteur, et pas du texte : un sujet qui ne nous intéresse pas, un thème qui nous plonge dans l’inconfort, des circonstances de lecture qui nous empêchent « d’entrer dans le texte », une écriture qui ne correspond pas à notre sensibilité esthétique, sont autant de raisons de décrocher d’un texte qui n’ont rien à voir avec la technique de ce texte, et tout à voir avec la sensibilité particulière du lecteur;

Vous pouvez être le meilleur romancier du monde, il y aura toujours des lecteurs pour rester hermétiques à votre travail parce qu’il ne leur correspond pas. C’est une histoire de rencontre et de relation. Parfois, ça ne prend pas, et on n’y peut rien.

Les ressentis sont vrais, sincères, légitimes, entiers, et leurs causes, quand elles sont identifiées, nous permettent uniquement de dire : « Bon, tant pis ».

Une autre partie des facteurs de ressenti viennent du texte. La sensibilité du lecteur s’accorde bien avec celle du texte, mais quelque chose dans l’agencement de l’histoire, du style, de l’intrigue, des personnages… manque de fluidité ou d’achèvement. Je ne vais pas énumérer tout ce qui peut, mécaniquement, empêcher un texte de faire son meilleur effet, parce qu’on y serait encore la semaine prochaine, mais entrent dans cette catégorie toutes les dimensions structurelles au sens large de tout ce qui permet à l’histoire d’être racontée, de l’intrigue au style en passant par le thème, l’univers et la narration.

Quand l’analyse du ressenti fait ressortir un élément mécanique, c’est une aubaine, puisque nous pouvons fourbir notre savoir-faire d’auteur-technicien et mettre les mains dans le cambouis pour dégripper le texte.

Le problème, c’est que le passage du ressenti à l’analyse est loin d’être évident. Étant donnée la complexité du millefeuille textuel, et étant donnée la complexité du tissu émotionnel agité par l’histoire, tisser des liens justes demande une part d’expertise, une part d’intuition et une part de chance.

C’est pour cela que nous n’affirmons jamais rien en écriture, nous émettons des hypothèses. C’est seulement une fois que l’hypothèse a été testée et validée par l’expérimentation que nous acceptons que, peut-être, c’était la bonne piste.

Peu de lecteurs ont un niveau d’expertise technique, ou un recul sur eux-même suffisants pour émettre des hypothèses ou des analyses justes et utiles, mais tous ont un vécu sincère et un ressenti juste et authentique.

Lorsque vous recevez des retours de lecture, en particulier en bêta-lecture, essayez d’entendre ce qui s’exprime entre les lignes. Ne vous attardez pas à la raison qui est formulée, mais tentez d’entendre le vécu du lecteur.

Interrogez, investiguez, cherchez à faire émerger un vocabulaire émotionnel, à entendre quelles cordes sensibles votre texte a fait vibrer chez le lecteur (et je précise que ce lecteur, ça peut être vous).

N’attendez pas un retour clef en main qui vous donnera le mode d’emploi étape par étape qui vous permettra d’aboutir votre texte.

L’expert de votre histoire, c’est vous. C’est à vous qu’incombe la responsabilité d’émettre les hypothèses de travail.

Et cela commence par le fait de distinguer entre le ressenti et l’analyse.

Dans mes ateliers, dans le mastermind, quand je lis vos textes, ma priorité c’est de vous faire adopter ce regard. Comment reconnaître ce qui est en jeu dans la lecture et comment éviter les erreurs d’analyse. Il ne s’agit pas de poser une grille de lecture arbitraire sur le texte mais d’interroger ce qui se joue dans la lecture.

Qu’est-ce qui me fait dire « c’est nul » ? Comment traduire, en termes mécaniques, ce qui s’exprime quand j’ai l’impression que mon histoire manque de densité ?

La technique est au service de cette analyse.

Anaël « Analyste des ressentis » Verdier

PS : Le mastermind vous offre un espace où partager votre expérience de la pratique avec d’autres auteurs en activité, et de les entendre parler, eux-aussi, de leurs expériences et de leurs états et de ce que ça leur fait et de comment ils rebondissent et surfent sur leur pratique. Normaliser ce que vous vivez en constatant que pour les autres, c’est pareil, vous aide à en faire une expérience normale, neutre, puis jubilatoire.

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Si vous voulez travailler avec moi, plusieurs options :

  1. Si vous êtes sensible aux décors, apprenez comment ils peuvent vous ouvrir les portes de votre intrigue et de vos personnages. En vous concentrant sur les détails d’un lieu, vous pouvez donner vie à toute une histoire.
  2. Le mastermind s’adresse aux auteurs qui veulent apprendre, par la pratique, avec les contraintes de leur vie, sans faux-semblants ni fantasmes des conditions idéales de l’écriture. Une page à la fois, vous apprendrez à reconnaître les étapes de votre processus créatif, et vous les apprivoiserez.
  3. Si vous préférez entrer dans l’histoire par les personnages, apprenez comment leurs paradoxes, plus que n’importe quel élément de caractérisation visible, leur permettra de laisser une trace indélébile dans l’imaginaire de vos lecteurs.

Et toujours mon podcast et ma chaîne Youtube pour approfondir votre relation à votre écriture.

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