Tous, tout le temps, cherchent à m’embarquer dans leurs rêves.
Untel veut me rendre riche, unetelle veut me rendre amoureux, untel veut que je décroche le job de mes rêves tandis qu’un autre me promet la liberté via l’entrepreneuriat. Toi, tu veux m’emmener à la campagne, me convaincre d’une vie dans la nature.
Je m’y perds.
Littéralement. J’oublie qui je suis. Impossible de me souvenir de ce qui m’anime, moi. Une telle cacophonie de promesses d’une vie meilleure m’empêche d’entendre ce que je sais, moi, de la vie que je veux vivre.
Ce qui m’anime, c’est la liberté, la curiosité, l’envie de me perdre dans une ville inconnue, de nouer des amitiés de passage, comme avec Trevor à Toronto, de nouer aussi des loyautés qui traversent le temps et endurent malgré la distance.
Il y a vingt ans j’étais dans le bus pour Jonköpping. Aujourd’hui, dans le bus pour Bordeaux, je retrouve un peu de légèreté.
Légèreté dans le fait d’être en transit. Mes pensées peuvent d’affranchir des impératifs et des injonctions et des mirages et des supplications des autres à leur correspondre
En moi gronde une colère puissante.
Si je ne me contenais pas, elle raserait tout sur son passage.
Combien de temps que je n’ai pas brûlé mes vaisseaux ? Nettoyage par le vide. Libération radicale par la coupe radicale. Changer de ville. Changer de relations. Changer de métier.
Je le sens poindre, le point de rupture, celui où la pression est telle que la colère fait craquer le costume. Où le gentil hochement de tête poli quand on cherche à m’imposer un programme de vie qui ne me convient pas fait place à une morsure cinglante.
Faut-il ainsi tester sa résistance pour mettre au jour ses contours ?
N’existe-t-il pas une approche plus douce ?
Il faudrait pour cela une foi inébranlable en ses propres rêves.