Certains espaces, certains moments, méritent d’être protégés, préservés de nous-mêmes et de nos autres envies.
Ce sont les moments privilégiés de la relation à nous-même, aux choses qui sont importantes. Dans mon cas, ce sont les moments où je peux m’abandonner au silence, à une forme d’oisiveté créative, à l’écriture. Des moments où rien ni personne ne vient interrompre le cours du jour. Je crois que c’est ce qui me manque le plus de nos temps de confinement, cette tranquillité. Cette facilité à dire « non », puisqu’il n’y a pas de sollicitations.
Sanctuariser, c’est faire de la place à ce qui est le plus important pour soi. Des activités qui échappent à l’urgence. Des pratiques qui créent notre avenir, qui s’intéressent à notre long terme. Quand je dis « créent notre avenir », je parle de notre sérénité, de notre sentiment de « vivre notre vie » (une autrice avec qui je travaille m’a dit ça récemment « j’ai l’impression de passer à côté de ma vie », un sentiment qui nous attrape tous par moments et que ces journées vécues pour soi aident à dissiper).
Sanctuariser, c’est couper le téléphone, couper les distractions, et se poser la question : quelle est l’activité qui me manque le plus ? Quelle est l’activité que je fais passer à l’arrière plan de ma vie jour après jour, celle dont l’agitation du quotidien m’éloigne. Et de consacrer son attention à cette activité.
J’écris « activité », c’est peut-être une sensation, un sentiment, une qualité d’attention, une série de petites choses qu’on a envie de côtoyer.
Deux semaines de vacances scolaires viennent de passer dans une proximité et une intimité privilégiée avec mon fils. Ma fibre paternelle se sent comblée. Ma fibre artistique, mes besoins d’auteur et de créateur, moins. J’ai dessiné (mon nouveau hobby), j’ai (un peu) lu. Je n’ai pas écrit. Je n’ai pas écrit depuis fin Novembre. J’en ai parlé ailleurs, j’avais besoin de me regrouper. J’ai beaucoup travaillé, sur des commandes, pour d’autres. J’avais besoin de ça. De déléguer les décisions, d’arrêter d’être au centre de ma vie. De me mettre dans la peau d’un exécutant.
Le quotidien d’un entrepreneur — et je dis entrepreneur pour dissiper l’imaginaire fantasque qui encombre le terme « artiste » — est un fait de mille-et-une décisions. Certaines énormes, certaines infimes. Tout repose sur soi. Il n’y a pas d’espace où l’on peut se dire « je me contente de faire ». On est tout le temps en train d’évaluer, d’affiner, d’envisager, de se projeter, de mesurer. Et on évolue dans une incertitude constante. Au bout d’un moment, ça épuise.
J’avais besoin de lâcher du lest. Me mettre au service de la mission d’autres gens m’a fait du bien. J’ai appris des choses. Moins que j’aurais cru. Ou pas celles que j’attendais. Et comme ça a été beaucoup de choses en peu de temps, je crois que j’avais besoin d’une grosse bonne pause. Ce que je fais depuis 3 mois en n’écrivant plus.
Ça, et l’excuse du quotidien.
Mais là, j’ai repris Les Zèbres et je l’ai fait lire et je me suis dit « ok, t’es peut-être prêt à ne pas être prêt » alors j’ai un projet dont il faut que je m’occupe. Je vais l’imprimer et l’accrocher partout et ressortir mes ciseaux et mon ruban adhésif.
Ça fait longtemps que je n’ai pas travaillé comme ça.
Je vais aimer retrouver la sensation de sculpter le texte.
Et tout commence par le sanctuaire.