Faire le vide pour faire de l’espace.
Faire le vide pour y voir clair.
Se débarrasser du superflu et du trop-plein accumulé par inertie et par paresse.
Vider n’est pas facile. Les objets ont cette faculté à peser dans l’imaginaire : « je pourrais en avoir besoin » ou le sentiment nostalgique des circonstances dans lesquelles l’objet est venu à nous. Ou cette forme de nostalgie étrange qui consiste à regretter un usage qui n’a pas eu lieu.
On a investi de l’imaginaire dans nos objets. On s’est projetés. Ils sont arrivés dans notre vie comme une bonne idée. On s’est projetés les utilisant. Et parfois cet usage n’a pas eu lieu. L’objet s’est retrouvé remisé. Pour une raison ou pour une autre, on l’a posé là et oublié. Les habitudes, parfois, sont dures à secouer, et ce nouvel objet n’a pas su les supplanter.
Mais on reste attaché à ce qui aurait pu être. L’organisation qu’on aurait pu avoir. Les plat qu’on aurait pu cuisiner. L’histoire qu’on aurait pu lire. Les soirées qu’on aurait pu vivre. Qu’on pourrait encore vivre, avoir, cuisiner, lire… si seulement on s’y mettait. Si seulement on prenait l’habitude de ranger les documents dans les porte-documents au lieu de les entasser sur un coin de bureau.
C’est illusoire.
Le coin de bureau offre une praticité et une immédiateté que les bannettes n’ont pas. On se rend compte que l’on peut être organisé sans respecter les systèmes de classement. La règle ? que ce qu’on utilise le plus souvent reste à portée de main. Que l’urgent soit visible. Que les archives soient … quelque part.
Je ne suis pas très attaché au passé mais je suis attaché à ce qui pourrait être.
Faire le vide s’avère difficile pour moi parce que cela demande de couper les fils de mes vies possibles. J’essaie de me rappeler que c’est pour mieux ouvrir de nouvelles portes. Faire le vide offre de l’espace. Quand l’intérieur déborde de choses, l’intériorité étouffe. Elle se sclérose.
Je rêve de mettre le feu à tout et de prendre le large. Juste pour retrouver le sens de l’espace et du possible. Rien de pire à mon cœur que de vivre une vie étriquée. Mais l’inertie est une force qu’on néglige trop et le côté étriqué de l’existence nous rattrape vite.
Ma mère m’a demandé l’autre jour : « tu en as marre des contraintes ? »
Ce ne sont pas les contraintes qui m’écrasent. C’est le repli de mon âme.