Journées fragmentées. Écriture, lecture, conversations, repas. 17h. Tea Time. Short break. Je sors me dégourdir les jambes. Croise une silhouette qui me rappelle des nuits enfiévrées. « C’était bien à chaque fois avec … », me dis-je. Il a plu toute la matinée. Une épaisse pluie d’été. Chaleur dans l’air. Larges gouttes. Dans quelques semaines le pays sera à l’arrêt. Les rues désertes. Les plages noires de monde. Je respirerai. Bitume. Sueur. Shut down. Big Break. Black out total. En attendant, c’est le grind. J’aime tellement ça. Je me pose souvent la question de ce que c’est que bien vivre. J’écoute beaucoup. J’entends des dizaines de réponses différentes. Pour untel c’est la finance. Pour tel autre c’est la famille. Pour celui-ci la vie n’est complète qu’en couple. Pour celui-là les moments d’épanouissement se vivent en pleine nature. Lui veut une grosse voiture mais ne voyage jamais. « Je déteste sortir de chez moi ». Elle rêve de vivre sur la route. Les stoïques disent « les émotions ne nous définissent pas ». Les bouddhistes « le désir est source de malheur ». D’autres équivalent réussite matérielle et réussite spirituelle tandis que ceux-ci prônent le dépouillement. Longtemps je m’en suis voulu de ne pas comprendre la vie. Puis j’ai pensé que je pouvais décider du sens de ma vie. Puis j’ai cru qu’il n’y avait rien à décider, qu’il fallait faire émerger de l’intérieur une vérité préexistante. Aujourd’hui je trouve une forme d’épanouissement dans la régularité de ma pratique. Chaque jour écrire un peu, même (surtout ?) quand c’est dur. Ici, sur le projet, sur d’autres projets. J’ai volé à une cliente l’idée de commencer chaque jour par une « scène ». Je ne sais pas si je garderai cette pratique. Je l’explore. Je garde ces scènes pour moi. Hier j’ai utilisé ChatGPT comme une chambre d’écho. J’ai simulé une conversation pour m’aider à clarifier certains aspects de ma pratique artistique. Un peu comme un mauvais coach ou un mauvais psy, il se contente de me renvoyer mes propres mots en les reformulant. Ce reflet de ma pensée m’aide à m’entendre. Il y a quelque chose de magique dans le fait de s’entendre parler. La mise à distance de ses propres mots, comme s’ils venaient de quelqu’un d’autre, même si l’on connaît le stratagème, cela fonctionne. On se dit « non ce n’est pas tout à fait ça » ou « wow, c’est exactement ça, je n’y avais pas pensé » alors que ce sont nos mots, ceux que l’on vient d’utiliser. ChatGPT est fort pour ça. Pour synthétiser et reformuler. Il m’agace parce qu’il revient régulièrement à des listes. Ça me noie d’informations. Je me perds. Mais il suffit de le lui dire et il arrête. Il essaye d’arrêter. C’est difficile d’aller contre sa propre programmation. Pour les robots comme pour les humains. C’était intéressant nonetheless. Aidant. Presque surprenant. Presque, parce que je m’attendais à ce résultat. Surprenant parce qu’une part de moi voulait que ça ne marche pas. La façon dont ces machines fonctionnent simule tellement bien l’expérience humaine que ça fait froid dans le dos. Heureusement que je prends encore des décisions idiotes et impulsives et purement émotionnelles, sinon je me demanderais si je ne suis pas moi-même robotisé.
Alfred : 47/100 et 1/20e
Dehors : c’est un festival météorologique. J’adore !