Les étapes du changement

« Mets la moitié de ton argent de poche de côté » (moi à mon fils en 2017)

« Nous n’avons rien gardé, rien investi, tout dépensé. C’était un choix de vie ». (mon père s’adressant à ma sœur et moi en 2017)

D’un côté je veux enseigner à mon fils comment assurer ses arrière et être affluent, de l’autre je ne l’ai jamais appris moi-même. D’un côté je comprends la théorie, de l’autre, dans la pratique, j’ai vécu selon un tout autre modèle. Chez moi, quand il y avait de l’argent il était dépensé et quand il n’y en avait pas on faisait attention mais les deux situations étaient accueillies avec le même degré de normalité. L’argent fluctue, c’est une force chaotique qui répond à ses propres codes et sa propre logique.

Or, comme nous le savons, l’expérience pèse plus lourd que la connaissance dans la construction de nos modèles inconscients. Donc, en clair, je suis niqué.

Par là je veux dire que le discours que je tiens à mon fils peine à trouver un écho dans la réalité que je lui montre. Et comme je tiens à ne pas reproduire cette dissonance en lui, je tiens à changer notre réalité. Pour cela je dois renverser les paradigmes qui ont été les miens pendant près de quarante ans et c’est là où je me sens face à une paroi verticale et sans prise visible.

*se retrousse les manches* « Bon, ben faut y aller ».

Première étape du changement: faire son éducation

On ne change pas un paradigme sans apprendre quels sont les autres possibles, ces autres versions de la vie à côté desquelles l’on passe sans s’en rendre compte à longueur de journée.

Je potasse la doc des investissements que m’a donné la banquière, je remplis des feuilles Excel, je me dis « quand t’as vécu toute ta vie avec le paradigme: l’argent, quand il y en a tu le dépenses, quand il n’y en a pas tu te serres la ceinture, c’est pas surprenant de te rendre compte qu’il n’y a aucune marge à la fin du mois ».

Il ne s’agit pas juste de faire un budget, il faut détruire les murs, les plafonds et les fondations, repartir à zéro. C’est un changement radical de mode de vie qui s’impose.

Reparti pour un chantier de plusieurs années, je sors l’attirail de la transformation : établir une vision, poser des objectifs qui semblent inatteignables, me connecter avec l’état émotionnel qui vient de les avoir atteints. *scratch sound* Attends attends. Est-ce que c’est vraiment ce que je veux ?

Pourquoi est-ce que je veux changer un paradigme qui a fonctionné pendant quarante ans parce qu’il m’a permis de vivre dans des lieux extraordinaires, de voyager, d’oser des paris créatifs qui-n’ont-pas-marché-mais-l-expérience-était-wow! ?

Est-ce que ce désir changement est basé sur une aspiration profonde ou sur un inconfort là tout de suite parce que je suis dans une de ces périodes où il n’y a pas de thunes ?

Est-ce que si j’avais de l’argent en ce moment je serais en train de me tenir le même discours ?

Deuxième étape du changement: rencontrer la résistance

Ok alors là ce qui est en train de se passer c’est la résistance au changement qui se met en place, qui dresse ses murs de protestation et équipe ses armes: la rationalisation, la justification, l’intellection et la petite pointe de nostalgie pour ajouter un brin d’émotionnel.

Non parce que si je veux changer c’est aussi parce que j’en ai marre du yoyo. Ça m’allait bien dans mes vingt ans. Franchement, je m’en moquais. Aujourd’hui j’ai moins envie de trucs, donc moins envie de dépenser. Et j’ai envie de moins de stress et ce stress, même si je le connais bien (parce que je le connais bien ?), je n’en veux plus. Il ne m’intéresse pas. Ciao, bye bye, adios.

Une autre excellente raison de changer, c’est que mon père traverse une violente crise existentielle et que mon paradigme financier est essentiellement basé sur son exemple et qu’en ce moment j’ai l’impression d’assister aux conséquences de ses choix de vie (c’est plus complexe que ça en vrai) et j’ai envie d’orienter la barre dans une direction radicalement opposée.

Une dernière bonne raison à ce changement c’est que je veux consacrer la prochaine décennie à mon écriture de fiction et que la probabilité que ce soit ricrac financièrement est élevée alors j’ai besoin d’un meilleur système financier pour m’assurer de pouvoir encaisser la réalité sans perdre en liberté créative, sans devoir abandonner l’objectif de façon prématurée.

Alors voilà où j’en suis, à faire les cent pas devant la falaise, à écouter une voix puis l’autre en hochant la tête après la plaidoirie de chacune comme un juge face à deux avocats compétents. Les deux ont d’excellents arguments. Les deux savent agiter des cordes émotionnelles auxquelles je suis sensible. Bien joué, bien joué.

Troisième étape du changement: prendre une décision consciente

Je dois me retirer pour délibérer. Et pour m’aider, j’ai besoin de déballer l’arsenal de la prise de décision: mes valeurs, mes priorités, mes objectifs de vie.

L’un de mes grands projets serait de partir un an sur la route avec mon fils, à écrire ici et là, entretenir ma communauté de lecteurs de n’importe où, rencontrer des gens. Profiter du monde tant qu’il est encore debout, avaler de l’asphalte, écrire dans des avions, des aéroports et des bars d’hôtel.

Je ne sais pas si c’est un objectif ou une métaphore de la liberté mais c’est quelque chose vers quoi je tends plus ou moins consciemment, cette idée d’une vie nomade. L’autre jour j’ai bavé devant un article du monde sur le workation (le travail vacances, une connerie comme ça). En réalité ce n’est ni du travail ni des vacances, c’est ce mode de vie où la frontière entre les deux n’existe plus. Ton mode de vie est lié à ton activité rémunératrice qui elle-même t’offre la liberté de vivre selon ton propre emploi du temps et dans les lieux que tu choisis.

C’est ce que j’ai créé déjà sans pourtant profiter de la possibilité du nomadisme. Je bouge mais c’est rare. Entre autres parce que je suis séparé et que je veux être près de mon fils, continuer à aller le chercher à l’école tous les jours. Entre autres aussi parce qu’à cause de mon paradigme de l’argent à marées hautes et marées basses, je ne me sens pas assez en sécurité pour juste partir.

Je pars quand même, de temps en temps. Jamais assez longtemps, et rarement en prenant la décision délibérée de bosser en mobilité (ce qui voudrait dire gérer mon temps, et me bloquer du temps de travail en vacances, ce dont je rêve sans l’assumer dans mes actions, comme si je n’avais pas le droit de réaliser entièrement la vie qui m’attire le plus).

Forcément, quand je regarde ce désir récurrent et que je l’additionne à ma volonté d’écrire et de constituer une communauté de fans qui soutiennent mon travail parce qu’ils trouvent de la valeur dans ce que je leur propose, ma décision penche largement en faveur du changement de vie.

Alors la résistance redouble d’efforts

Elle me sape le moral, me coupe mon énergie, me laisse hagard face à la tâche. Comment elle s’y prend ? Comme ça:

Résistance: « Ok, ok, on va faire ça. Ça veut dire couper par deux toutes tes dépenses. Moins de restau, moins d’Amazon (super l’abonnement à la bibliothèque, tu seras maintenant obligé de lire les livres plutôt que de les empiler à côté de ton lit), comptabiliser chaque ticket de caisse. Ah il va te falloir un compte pour épargner, et aussi une plus grande régularité de revenus. C’est fini les afflux saisonniers, là, tu vas lisser tout ça. Ça veut dire lisser aussi le travail. Et puis tu vas tenir ta compta à jour, ce que tu n’as pas fait depuis… attends, ah ouais, jamais. Et… »

Le surmenage guette. L’excès de micro tâches me décourage. Mon cerveau essaye de répartir son énergie à droite, à gauche, en haut, en bas, en diagonale, à l’horizontale, et sature. « Je verrai demain » dis-je en lançant Netflix.

Résistance: 1 ; Transformation: 0

Le match ne s’arrête pas là. Quand l’envie de changement naît d’un désir profond chaque année qui passe sans réaliser ce désir augmente la douleur. « J’ai le sentiment de me trahir ; de m’abandonner ; j’ai honte de ne pas avoir déjà réussi à réaliser cette vie ». C’est le genre de phrases qui sortent de ma bouche quand je parle de ma frustration.

Mon ambivalence vient de ce que j’ai réalisé 69% de ma vie de rêve. J’écris, je publie, je suis maître de mon temps, j’ai un petit groupe de fans qui soutiennent ce que je fais, je vis dans une ville sympa, dans un quartier calme, avec un extérieur. J’ai des relations saines avec les gens que j’aime et je ne suis pas obligé de tolérer ceux que je n’aime pas.

En clair: je n’ai pas le droit de me plaindre.

Sauf que la vie n’est pas un concours de « qui a le moins réalisé son potentiel », la règle ne dit pas « si tu as davantage réalisé ton potentiel de ton voisin, profite et sois content ». La réalité émotionnelle du truc c’est que tu souffres de ce que tu n’as pas encore réussi à être, peu importe qu’il te reste 99% ou 1% de toi à réaliser.

Je l’ai réalisé quand les digues ont cédé, deux fois, le mois dernier, une fois avec mon duo de foreuses d’esprit et une fois avec une coach en créativité américaine avec qui je parlais pour la première fois. « J’ai honte de ne pas être à 100% », c’est un peu la synthèse de l’émotion qui m’a submergé.

Je n’ai pas écrit le roman, je ne vis pas autour du monde, je n’ai pas d’épargne, mes seuls revenus passifs viennent des droits d’auteur qui tombent tous les mois des livres que j’ai publiés et tous les trois mois de scénarios que j’ai écrits il y a presque dix ans. Gna gna gna. Bientôt je vais taper du pied par terre et claquer la porte de ma chambre en criant que c’est pas juste.

Ce retour à l’adolescence c’est la réponse du désir à la résistance. La fin justifiant les moyens, les coups bas sont autorisés, le caprice compris.

Or même si la forme fait penser à un caprice, il faut bien réaliser que, dans le fond, on en est loin. Ce qui s’exprime c’est une réalité psychique profonde, un besoin d’exister dans son individualité, d’aller voir ce dont on est capable, de s’explorer à grâce à nos actions pour découvrir ce qu’on a dans le ventre et jusqu’où l’on peut amener cette vie qui nous a été confiée.

C’est là, dans notre réaction émotionnelle la plus brute face à la victoire de la résistance (« tu sais quoi ? En fait non, ce truc de changement, là, on va pas le faire ») que nous pouvons mesurer l’authenticité de notre désir de transformation.

Résistance : 1 ; Transformation : 1, et maintenant ?

Maintenant il faut agir. Écouter la peur que la résistance manifeste (on sait ce qu’on quitte, pas ce que l’on trouvera) et le désir de vie qui s’exprime dans l’envie de transformation (on a besoin de croître, c’est ce que fait la vie), et définir une stratégie qui rassurera la première tout en réalisant la seconde. Le travail peut commencer.

Retour à la vision: « j’ai de l’argent de côté, je voyage et travaille d’un peu partout dans le monde grâce à mes fans qui soutiennent mon activité en me donnant de l’argent, en m’aidant à diffuser mon message, en m’envoyant du soutien moral dans les moments difficiles. Je publie des livres, je fais leur promotion, je les diffuse aussi loin que je peux de sorte à ce que les gens pour qui je les écris puissent les découvrir ».

Je laisse mes loisirs au hasard, je laisse la nature de mes relations interpersonnelles au hasard. Guillaume, quand il me fait travailler sur ma vision, veut toujours savoir combien de vacances je prends, combien de femmes je fréquente et ce que je fais pour me détendre. Je m’en fous. Ce n’est pas important. Je comprends que cela aide à solidifier la vision, à lui donner plus de réalité, mais ma priorité c’est ma surabondance de créativité, mes interactions avec mes lecteurs, ma productivité débridée et le fait de bouger.

Je crois que dans cet exercice, toutes ces questions sur notre écosystème sont importantes, parce qu’elles permettent de vérifier l’écologie de nos objectifs. Je crois qu’il est tout aussi important de bien définir ce qui est réellement prioritaire pour nous.

Je ne sais pas où je veux vivre dans cinq ans, mais je sais que je veux continuer à avoir une relation privilégiée avec mon fils, alors je l’ajoute.

Voilà, ma vision est prête. Je la peaufinerai plus tard, en ajoutant des détails sensoriels et des précisions qui m’aideront à faire des choix plus vite (mieux je sais où je vais mieux je peux choisir l’itinéraire).

Il est temps d’agir

Reste à mettre en œuvre les actions précises qui me permettront de m’approcher de ma vision.

« Mais! » s’exclame la résistance « Où est passée la notion de nouveau paradigme financier ? »

Ah!

Il reste cette ligne sur « j’ai de l’argent de côté » mais on est loin de la révolution du début. En même temps, si je regarde la falaise maintenant, elle paraît moins abrupte. Je pourrais même presque y distinguer un petit sentier boisé baigné d’ombre et sentant la fraise des bois.

Que s’est-il passé ?

Quatrième étape du changement: distinguer la fin et les moyens

Le paradigme financier n’a jamais été le réel objet de cette décision, il est simplement le symbole qu’a pris mon inconscient pour exprimer sa frustration, son désir d’une individuation plus complète.

Du désir conscient, en remontant dans le dialogue entre résistance et volonté de transformation, l’on peut cerner l’origine de l’envie : En l’occurrence, trouver et transmettre un sentiment de liberté créative (au sens le plus large), un sentiment qui a pu être fragilisé par les circonstances.

Avant de m’engager dans un chantier d’envergure, je prends le temps de faire deux colonnes (ou deux piles): d’un côté les objectifs concrets (mettre de l’argent de côté, écrire et publier des livres, augmenter la taille de ma communauté de lecteurs) et les moyens (changer de paradigme, abandonner certaines activités pour libérer du temps, offrir de nouveaux services pour gagner plus, ouvrir un compte dédié à l’épargne, faciliter les pourboires, acheter une tirelire, écrire des livres plus courts, écrire des livres plus populaires, les promouvoir autrement, participer à des groupes de lecture, …)

Cette étape me connecte avec l’abondance de moyens à ma disposition pour ajuster ma vie dans la direction qui m’apportera le plus grand épanouissement (la définition de « plus grand épanouissement » change en fonction de vos valeurs, de vos priorités, et de ce que vous avez le plus délaissé récemment).

En retardant le moment de sauter dans l’action, c’est-à-dire en n’étant pas hyper réactif mais en prenant le temps de regarder au-delà de l’émotion du moment, je m’évite une double déconvenue: 1) l’incompréhension de l’arrivée et 2) le découragement prématuré.

L’incompréhension de l’arrivée

C’est ce moment où j’ai rempli toutes les cases, ça y est j’ai changé de paradigme, je me suis fait violence pendant des mois pour reconfigurer ma manière de fonctionner dans le monde, pour développer de nouveaux réflexes et habitudes et où je découvre que je me sens exactement comme je me sentais avant d’engager tous ces efforts. Comment se fait-il que je ne sois pas différent alors que j’ai transformé ma vie ?

Si je n’ai pas changé la « bonne » chose, ou plutôt si je me suis concentré sur des ajustements de surface plutôt que des ajustements de fond (et notez bien que l’on peut repartir sur de nouvelles fondations, tout éclater pour tout reconstruire et quand même être sur des ajustements de surface), alors mes circonstances auront beau être différentes, mon état, lui, restera identique.

Pire, en fonctionnant de cette façon je peux même me rendre la vie plus difficile. Si je cherche plus de liberté créative, par exemple, et que j’ai mis en place une série de nouvelles contraintes pour assurer mon nouveau paradigme financier, j’aurai beau être plus à l’aise avec l’argent si je l’ai fait au détriment de ma marge d’action artistique, je serai plus malheureux.

Le risque est alors un mouvement de balancier inverse: puisque je me sentirai frustré de ma nouvelle situation, si je reste concentré sur une réaction trop émotionnelle, il y a de grandes chances pour que j’associe ma frustration à ma nouvelle série de contraintes… et que je reparte dans la direction opposée!

Ce n’est pas toujours possible d’éviter cette incompréhension, parce que chaque pas nous aide à mieux cerner qui nous sommes, ce que nous voulons, où nous allons, comment nous y allons. Il s’agit moins d’éviter l’incompréhension de l’arrivée que de savoir qu’elle existe afin de pouvoir y réagir avec efficience.

Le découragement prématuré

Lorsque je m’engage dans une transformation qui ne correspond pas à mon besoin profond, mon organisme tout entier résiste. Ce n’est pas que le processus est difficile, c’est qu’il devient épuisant, éreintant, et provoque une résistance insurmontable. C’est là que l’ego me dit « fais preuve de volonté! Sors-toi les doigts! » et ce genre de choses sympa.

Attends, mais ça veut dire qu’on abandonne l’idée de changer de paradigme financier ?

Pas forcément. Pour réaliser cet objectif, un nouveau paradigme financier peut être nécessaire (ou constituer une aide importante), mais ce n’est pas le seul chemin et peut-être pas le meilleur. Ce qui compte dans cet exercice, c’est de rester focalisé sur la vision globale, pas sur les détails de son exécution.

Si je reste bloqué sur les détails de l’exécution, je peux vite réaliser que cette stratégie n’est pas propice à la réalisation de ma vision globale mais parce que je confonds objectif et stratégie, je peux me sentir obligé de forcer ma volonté, d’aller à l’encontre de mon intuition. L’énergie que je dois déployer alors est proportionnelle à la résistance engagée par mon inconscient comme un moyen de me signifier que je ne suis pas sur la bonne voie et ce qui guette, c’est le burnout (ou, à tout le moins, un certain épuisement).

Pour me préserver contre cet épuisement peut alors naître une nouvelle stratégie de survie: le découragement.

À cause de la confusion entre objectif et moyens, je peux croire que je suis découragé de ma vision, perdre ma motivation et mon espoir, et ma croyance que je peux changer alors que je reçois uniquement une indication sur l’inadéquation des moyens que j’ai choisi d’employer.

C’est un peu comme si je m’engageais sur une route et que je prenne l’insistance de mon GPS à me faire faire demi-tour comme un signe que je ne peux pas arriver à destination alors que tout ce que j’ai à faire c’est … changer de route.

Stratégie

Partant de là, avant d’agir, il peut être malin d’explorer les options possibles. Pas pour retarder le passage à l’acte, pas pour éviter de m’engager dans ma quête de transformation (chercher la « meilleure option possible » est une stratégie d’évitement) mais pour disposer de routes alternatives si je devais réaliser que ma route principale ne me conduit pas à destination.

J’ai identifié mon but: « avoir un plus grand sentiment de liberté créative » et un des moyens d’y parvenir: « changer de paradigme financier ». Quels seraient d’autres moyens possibles ?

Dormir moins, passer moins de temps sur Netflix ou les jeux vidéos (= réduire mon temps de loisirs), prendre une nounou à mon fils pour me libérer du temps, varier la nature, la forme et la destination de mes projets créatifs, me restreindre à un projet créatif à la fois (paradoxal mais efficace), voir moins de gens moins souvent (= réduire mes interactions sociales), etc.

Le filtre que j’emploierai pour sélectionner la meilleure de ces options sera de les comparer avec mes valeurs, avec ce qui est important pour moi et ce qui alimente mes besoins. Dormir est un besoin vital et un vecteur d’équilibre émotionnel et psychique ; continuer à avoir des loisirs permet de reposer mon cerveau ; voir des gens me maintient en contact et m’évite la dépression.

En connaissant le coût de ces options, je peux prendre des décisions plus conscientes: je sais ce que je gagne et je sais ce que je perds avec chacune.

Le changement de paradigme financier m’est apparu comme ma première meilleure option parce que le gain global (sentiment de sécurité, largesse d’action et confort) est plus grand que la perte (changement de mode de vie) malgré la masse d’efforts à fournir pour y parvenir (changer de paradigme n’est jamais facile).

Je vais donc suivre cette voie tout en restant vigilant aux autres opportunités de me rapprocher de mon objectif.

Fournir les efforts

Se transformer exige, la plupart du temps, de fournir des efforts, une exigence qu’il ne faut pas confondre avec la résistance, qui alerte d’un égarement (c’est-à-dire que l’on s’éloigne de ses valeurs ou de sa vision globale, que l’on oublie ses besoins ou que l’on ne regarde qu’à court terme).

Les efforts demandent de développer son endurance et sa volonté, de se donner rendez-vous tous les jours, de réserver des ressources (du temps, de l’attention, de l’argent et de l’aide) pour travailler à sa transformation. Pour changer j’ai besoin de m’exposer à d’autres manières d’être et d’agir, de reconnaître leur validité même si elles sont basées sur une vision du monde différente de celle à laquelle je suis habitué.

Pour changer j’ai aussi besoin de me confronter au monde et à moi-même tous les jours, de faire face à ma réalité et de reconnaître – même si c’est inconfortable – toutes les habitudes, personnes, et choses qui ne me rapprochent pas de ma destination. S’il le faut je dois brûler des ponts ou redéfinir certaines relation, couper court à certaines habitudes ou jeter (ou donner) certains de mes objets fétiches.

Tout cela demande de sortir de ma zone de familiarité, de me forcer à vivre de manière inhabituelle et à faire preuve de courage.

C’est ce courage qui paie. Pas celui de me faire violence, mais celui d’agir en accord avec ce qui est important pour moi maintenant. Pas ce qui était important hier ou ce qui sera peut-être un jour important, pas ce que les autres jugent important, mais ce que moi je veux dans ma vie aujourd’hui.

Et ce que je veux dans ma vie aujourd’hui c’est sortir plus de livres et avoir plus de lecteurs. Et l’un des freins auxquels je me heurte c’est que j’ai construit ma vie professionnelle (ie ma source de revenus) ailleurs que sur mes livres, donc je dois continuellement détourner l’énergie qui pourrait aller vers la construction de ma carrière d’auteur et la diriger vers mes activités rémunératrices. D’où ma décision de travailler sur mes finances.

Actions

Ne reste plus qu’à définir des actions précises, parce qu’une vision et une stratégie ne changent pas la réalité d’elles-mêmes. Il faut qu’elles soient découpées en choses précises à faire. Planifier n’a de sens que si je me mets au travail, ce que j’ai commencé à faire en consacrant du temps chaque jour à communiquer sur les réseaux sociaux, en adoptant une nouvelle maison pour mes newsletters, en parlant de mes projets créatifs et en leur consacrant du temps.

Des actions sont des verbes qui donnent un résultat mesurable et tangible. Écrire tant de mots par jour ; publier tant de mises à jour par jour ; tenir un livre de comptes, etc.

Ces verbes s’accompagnent de conditions, d’un cadre qui rend les actions plus concrètes encore et plus efficientes. Je publie, mais sur quel sujet et quelle taille de billet et à quelle fréquence ? Qu’est-ce que je note dans mon livre de compte et quand est-ce que je le tiens à jour ?

Je note ces actions dans mon agenda et je les transforme en habitudes, en processus. Pour changer, il faut agir tous les jours en direction de ce changement. En ce moment je lis Growing Gills, un manuel de gestion du temps et de gestion des priorités pour les individus créatifs. Je travaille sur un chapitre chaque jour, je lis le contenu du chapitre et je fais les exercices. C’est devenu une habitude et un processus de travail qui s’inscrit dans ma vision globale: plus de liberté créative.

Les objectifs changent

En avançant dans ma vie je peux réaliser que mes objectifs changent. Le fait d’amorcer une transformation modifie notre vision du monde, notre sens des possibles, et la clarté de nos besoins et de nos envies. Alors notre vision s’adapte, elle s’ajuste. Nous devenons différents et nos objectifs peuvent changer avec nous.

Dans ce cas, je n’ai aucun scrupule à abandonner un objectif qui n’est plus parfaitement aligné avec la personne que je suis et celle que je veux devenir. Je me souviens que la vie n’est pas un cadre dans lequel finir des projets mais que les projets sont l’un des chemins que nous empruntons pour vivre une vie plus épanouie et en accord avec notre identité.

Alors s’il faut abandonner des projets sur le bord de la route, je le fais sans état d’âme (ce n’est pas vrai, je résiste et je tape du pied et des poings quand il faut abandonner un projet, même s’il est clair qu’il ne me fait plus grandir).

Adaptez-vous, osez changer de regard, osez changer d’ambition. Vivez.