Je préfère, oui, c’est plus sympa, mais si vous n’aimez pas ce que j’ai à dire, si vous n’aimez pas qui je suis, ce n’est pas très important, parce que je ne vous dois rien.
On pourrait croire, comme ça, que les choses sont différentes, mais la vérité toute crue c’est que c’est ma vie que je dois vivre et pas la vôtre et que si nos chemins se croisent c’est un heureux accident duquel ne dérive pas d’autre obligation qu’une certaine courtoisie à votre égard (parce que sans courtoisie nous ne sommes que des barbares).
Si nous nous découvrons des atomes crochus, nous déciderons peut-être de nous revoir, d’échanger quelques moments, quelques idées, nous nous apprécierons peut-être. Pour un temps ou pour longtemps.
C’est la même chose de votre côté. Ne cherchez pas à me préserver pour que je vous aime ou parce que vous ne voulez pas me froisser. Je ferai la part des choses. Peut-être qu’il me faudra un peu de temps, mais j’ai appris, récemment, cette formule: « oui et c’est ok », quand j’ai un point de vue différent de quelqu’un d’autre, comme l’autre jour sur Facebook.
Oui et c’est ok
Parce que votre sensibilité et vos préoccupations et votre vision du monde vaut autant que la mienne et parfois nous n’aurons pas la même. Il est des choses auxquelles je crois (comme la prévalence du professionnalisme sur l’amateurisme, comme la prévalence du juste temps sur l’urgence, comme l’importance du plaisir dans l’effort et de l’effort dans le plaisir…) auxquelles vous ne croyez peut-être pas. Peut-être qu’il est important pour vous de courir d’urgence en urgence. Oui, et c’est ok.
Depuis que j’ai décidé de ne plus m’émousser pour être aimé, je dis les choses à voix plus haute et les gens qui, avant, étaient bien contents de m’entendre chuchoter, élèvent à leur tour la voix et quelque chose en moi a envie de se terrer et de se taire, de ravaler ses paroles et d’aller se cacher. Alors à la place, je réponds « Oui, et c’est ok ».
Différentes vies, différents points de vue. Le mien est meilleur que le vôtre. Le vôtre est meilleur que le mien. Parce que chacun s’inscrit dans un écosystème différent, répond à des besoins différents. Les miens, les vôtres. Vous n’avez pas été mis sur Terre pour répondre à mes besoins et réciproquement.
Avant quand quelqu’un exprimait un mécontentement à côté de moi, je pensais par défaut que c’était de ma faute. Je me disais « il faut que je répare ». C’est aussi pour ça que je n’ai pas réussi à rester dans une relation saine pendant des années, dès que j’en avais une j’avais la bougeotte, il fallait que j’en sorte, que je trouve quelqu’un à réparer ou quelqu’un qui me confirme que je ne méritais pas d’être là.
Alors c’est pas terrible mais j’ai travaillé depuis, là-dessus, et maintenant c’est l’inverse, dès que je tombe dans une relation malsaine, il faut que je parte. « C’est pas toi c’est moi », et hop c’est fini. C’est bien mieux comme ça. Je ne me pose plus en sauveteur. Ça veut aussi dire que j’accepte d’avoir besoin d’aide. J’accepte de laisser les autres m’aider quand j’en ai besoin. Un peu, et pas n’importe qui, mais c’est un début.
J’écris tout ça ici parce que peut-être avec un peu de chance que ça résonnera avec quelqu’un. Peut-être que ça fera tilt chez vous et que vous réaliserez que vous avez le droit d’exister, que vous avez le droit d’être vous radicalement et de vous exprimer et quand ça provoque une réaction antagoniste, vous avez le droit de dire « Oui, et c’est cool ». Parce que ça coupe court à toute descente en vrille de la conversation. Ils vont répondre quoi en face ? Répéter qu’ils ont un autre point de vue ? Non, ils vont aller chercher quelqu’un d’autre à provoquer.
Quelle est la prochaine étape ?
Il se passe quoi une fois que l’on a décidé de s’accepter radicalement ? De ne plus se laisser emmerder par les névroses des autres ? Quand on a décidé de se regarder et de dire: « tu sais quoi ? J’ai plus de 35 ans, j’ai vécu une vie imparfaite, et je suis quand même là où j’ai envie d’être, et même s’il me reste des blessures à guérir, je suis quand même un adulte », il ne reste plus qu’à être.
J’ai retenu mes larmes chez mes thérapeutes l’autre jour: « Je croyais avoir réglé tout ça, je croyais avoir avancé ». Je n’en pouvais plus. Qu’est-ce que je foutais encore là, encore à ce point de vulnérabilité où, putain, j’en pouvais plus de vivre ?
« Wow, wow, wow », m’a arrêté M. « Vous avez réglé des choses. Vous avez avancé, mais c’est comme une spirale. Vous avancez et vous faites un virage qui vous ramène à vous, à un niveau plus profond ». Alors ouais, c’est parti. Ça faisait un an que c’était calme et il est temps de redescendre à la mine, d’aller colmater quelques brèches. Et tu sais quoi ? C’est ok.