Pour certains d’entre nous, la vie est une chute libre. Pas de filet à l’arrivée. Juste la vitesse, les roulés-boulés, l’absence totale (et choisie!) de parachute.
Courir, sauter, tomber – Impression de voler – Atterrir, rebondir, sauter à nouveau. La vie comme un jeu de plateformes, sur le fil, vertigineuse. À peine posé, il faut bondir à nouveau sous peine de chuter dans le vide, ou sur une dalle de lave ou de se faire dézinguer par un poulpe à bazooka.
Chute libre: oser franchir le pas quand, dans le coucou qui vibre, la peur nous fait checker trois fois les sangles du parachute et hurle dans notre tête: « Tu vas mourir! » à grand renfort d’images bien détaillées, bien gores.
« Ah! »
Je saute.
L’air autour de moi, c’est bon. Mon corps qui pivote dans le vide, qu’est-ce que c’est bon! L’adrénaline, la sensation d’aller à mille à l’heure, QU’EST-CE QUE C’EST BON !
Au sol, ils ne comprennent pas.
Ils étiquettent, rangent dans des cases étroites, catégorisent.
Ils mènent leur vie dans la quête du confort et de la sécurité. Nous menons la nôtre dans la recherche de l’inconfort, parce que c’est là, dans le vertige d’être sur le fil, que nous vivons.
« Si vous essayez de vous mettre dans un cadre normatif, vous l’éclaterez », m’a dit Pascale, me libérant de la tentation de l’équilibre.
« Ecrire, c’est un truc totalement déséquilibré, quand tu rentres dedans, tu ne penses qu’à ça, tu n’es plus « là », tu vois ?
– On dirait que tu parles de toi », ironise Rox quand j’essaie de me convaincre de ne pas replonger.
Je suis brouillé avec ma muse depuis deux mois, depuis qu’elle m’a lâché en plein milieu d’une nouvelle que je n’arrive pas à finir. Je la sens qui cherche à me ramener à elle, avec son chant de sirène. Elle a d’autres choses sur lesquelles elle veut que je travaille, d’autres histoires en réserve pour moi.
Je lui dis: « Je veux faire un truc pour déconner, juste une bêtise »
Elle n’est pas d’accord, je crois.
Je ne suis pas sûr d’avoir le choix.
Écrire, c’est parler à l’invisible dont les mains nous saisissent et nous façonnent dans les nuages que l’on traverse à mille à l’heure, sans parachute ni filet.
En chute libre.