Mon destin, et autres complications

J’écris.

Depuis toujours. A 16 ans, j’ai affirmé: c’est ce que je ferai, rien d’autre. C’est ce que j’ai fait, rien d’autre. Pourtant, quelque chose ne va pas, quelque chose n’est pas en place. J’enseigne encore. J’aime. J’aime voir naître les histoires. J’aime être là pour aider à les accoucher, les faire exister là où, avant, il n’y avait rien.

Par-dessus tout, j’aime écrire mes propres histoires. J’aime les rêver. J’aime cet instant où la première image, la première sensation me frappe. C’est comme une prise de vue mal mise au point. Je dois tourner la bague de l’objectif pour ouvrir le champ. Petit à petit, je perçois de plus en plus de détails. Puis la scène se met en mouvement. J’entends les sons, je perçois la température de la pièce, et les crépitements du feu dans la cheminée.

J’aime poser les mots sur la page et savoir qu’ils feront vivre mon univers dans l’imaginaire d’un lecteur. J’aime penser à la mise en page, aux images qui illustreront le texte. J’aime repenser le livre et ses modes de diffusion.

C’est indéniable: écrire est ma destinée.

Pourtant, c’est aussi ce qui est le plus dur pour moi. Des résistances internes et externes s’opposent à ce que je m’abandonne à ma pratique de l’écriture. Quand j’ai commencé Confessions d’un Trentenaire, c’était pour explorer les doutes et les frustrations qui se faisaient plus pressants à l’approche de mes trente ans.

En me libérant de beaucoup de blocages, j’en ai révélé d’autres et compris que chaque texte serait un défi à surmonter. Une série d’angoisses à affronter. C’est là que la vie se déroule, dans le conflit qui oppose son destin à ses peurs.

C’est ce que la majorité des gens fuit. Le conflit, la confrontation à soi-même, au doute. C’est pourtant là que l’on trouve le plus de sens.

Quelque soit votre rêve, il s’accompagne de changements et de peurs. Si vous n’êtes pas en train de vivre votre rêve, vous devez modifier quelque chose et c’est inconfortable, déstabilisant. Jamais les circonstances ne seront idéales. Quand vous aurez l’argent, vous n’aurez pas le temps. Quand vous aurez le temps vous aurez peur de ne plus avoir l’argent.

Ce sont les deux principales excuses que nous nous donnons, n’est-ce pas, pour ne pas réaliser nos rêves. « Je n’ai pas le temps ». « Si je fais ça, comment paierai-je mes factures ? ». C’est pratique. En restant en surface nous nous évitons de regarder en face la vraie source de nos blocages: « et si on me rejetait ? », « et si je m’humiliais en montrant ce qui est à l’intérieur de moi ? », « et si quelqu’un abusait de ma vulnérabilité ? »

C’est un problème de confiance. Confiance en soi et en ses capacités, confiance dans l’univers, confiance dans la capacité des autres à recevoir notre offrande.

Nous avons l’impression d’être tout petit, de ne pas valoir la peine que l’on s’intéresse à nous. Et quand nous cachons cette impression sous un excès de vanité, nous accusons les autres de ne pas être dignes de notre art, alors que, réellement, nous ne nous sentons pas digne de leur regard.

Je lutte contre ces doutes. Pour écrire. Parce que c’est ce que je fais. C’est mon destin. C’est ce que je veux. Et ils reviennent me mordre à la nuit tombée. Alors je les chasse mais ils reviennent à chaque fois comme une nuée de petits diables familiers.

J’apprends à faire avec mais vous, quel est le rêve que vous n’osez pas réaliser ? Quel est le destin que vous n’accomplissez pas ? Comment s’appellent vos démons ?