Mon nouveau projet, un projet pour la vie, un projet que j’avais déjà formulé – ailleurs, pour moi, avant – c’est d’écrire un livre par ville. De choisir les villes où être pour les livres qu’elles peuvent me dicter, de capter quelque chose comme une vibration (avec un peu de chance, une essence).
Une expérience, voir comment (si) l’atmosphère des villes, leur « énergie » influence l’écriture, voir si l’auteur est aux commandes ou si c’est autre chose, comme son environnement. Bradbury aurait-il pu penser l’Homme Illustré et les Chroniques Martiennes s’il n’avait été dans l’effervescence de New York cette nuit-là ?
Capter la vibration des villes
Les villes sont des piliers importants de mon évolution. J’ai toujours veillé à être attentif à ces différences subtiles que l’on perçoit entre les lignes de la pierre, dans la luminosité des rues, dans le chant du traffic ou le silence de la nuit. J’aime marcher au hasard des rues, me perdre dans l’énergie d’un lieu nouveau.
L’été dernier, à Toronto, j’ai commencé par ça: marcher au hasard. Pour m’imprégner de l’atmosphère de la ville, pour en recevoir l’esprit.
Quand j’en ai parlé plus tard, j’ai exprimé comment, si je devais retourner vivre au Canada, je choisirais une ville comme Toronto plutôt que Montréal. A cause de ces vibrations, justement, à cause de l’énergie qu’elles déploient en moi. Montréal me semble loin de moi alors qu’elle convenait parfaitement à mes vingt ans. J’y pense avec nostalgie mais je ne crois pas que j’y retournerai. Il y a trop d’autres lieux, qui me conviennent mieux, qui demandent à ce que je les écrive.
Toronto, Vancouver, New York…
Londres, l’an dernier, m’a soufflé une histoire que je n’ai commencé à écrire que cette année.
La personnalité des lieux
En plus des dédicaces classiques, je dédicacerai mes livres aux villes qui les auront dictées et aux muses qui les habitent.
Le travail de l’auteur, c’est d’être sensible au monde, de se mettre en léger retrait non pour lui échapper mais au contraire pour mieux le recevoir. Pendant que les autres s’agitent à vivre des vies prises dans le rythme du monde, l’auteur s’installe sur un banc. Il n’observe pas, il s’imprègne.
Capter une ville pour moi, ça n’est pas retenir les noms des rues ou décrire les mouvements de foule. Capter un ville, c’est recevoir des sensations, une atmosphère, une dimension subtile du monde. Ecrire une ville, c’est s’ouvrir aux histoires qui sont cette ville, qui vibrent de la même subtile énergie, de la même atmosphère, du même sens.
C’est donc dans les différences subtiles de ces histoires qu’il faudra chercher leur origine, pas dans l’ostentatoire. Il faut savoir lire entre les lignes. Les meilleures histoires ne sont jamais uniquement ce qu’elles semblent être, elles sont un fragment du monde offert au lecteur. Elles sont une recherche de sens, une explosion d’émotions et de sensations. Elles sont métaphore du monde, métaphore de l’existence, et de la vie.
Ecrire les villes, c’est enrichir cette métaphore, c’est reconstituer grâce à un puzzle géographique, le puzzle existentiel.