Nouveau départ (énième)

Il s’en est passé des trucs, dis-moi, depuis la dernière fois.

C’est parti pour une nouvelle saison du blog. Un nouveau billet par semaine, une nouvelle couche de réflexion sur le monde, nourrie d’un nouveau niveau de confiance en moi, dans ma capacité à continuer à vivre même quand le monde s’écroule. Le mien, de monde, il s’est effondré quelques mois avant le vôtre.

Je passe pour l’instant sur les événements qui ne concernent pas que moi, qui ont sapé les fondations de ma réalité, et je me concentre sur la soudaine maladie autoimmune diagnostiquée mi-janvier (on est en mai). L’absurdité d’une trahison venue de l’intérieure, des défenses du corps zélées au point d’éliminer des alliés, de faire sauter la digue qui protège des épanchements sanguins soudains.

Les détails physiologiques sont sans importance pour le moment. Seules comptent la détresse, la terreur, les instants de vertige quand, au cœur de la vie, tous les repères ont sauté ; quand l’anodin s’est changé en danger ; quand rien, à l’extérieur, ne permet d’indiquer la débandade de l’intérieur.

J’ai passé mes premières nuits à l’hôpital, sans bien comprendre ce qui m’attendait. Arrivé à la réception des urgences presque en m’excusant : « la biologiste m’a recommandé de venir », et les phrases des infirmiers « vous au moins, vous ne venez pas pour rien ». Je ris : « je suis sûr que vous dites ça à tous vos patients ».

Et puis, trois heures d’attente plus tard, alors que je travaille le lendemain : « On vous transfère, vous resterez au moins cette nuit ».

L’incompréhension précède l’angoisse et un certain abandon à l’imprévu. Le repos est bienvenu. Ici je n’ai plus à me battre, on s’occupe de tout pour moi : des repas, du ménage, de me réveiller pour me prélever du sang, de me donner les cachets à prendre puis, plus tard, de surveiller le débit des perfusions.

Au bout de trois jours de cachets, les résultats sont encourageants. « Vous pouvez sortir ». Je rentre chez moi après une absence non planifiée, je rentre avec une ordonnance pour prises de sang hebdomadaires. Deux semaines après, j’entre sans rendez-vous chez ma généraliste : « c’est redescendu », lui dis-je. « Je sais, j’ai appelé l’hôpital, ils vous attendent » – « Tout de suite ? » – « Tout de suite. »

Bon. Ce sera le deuxième séjour sur trois à ce jour. Et puis, juste comme on vient de m’injecter un nouveau traitement en espérant qu’il tiendra, celui-ci, qui assassine mes défenses immunitaires pour les empêcher de dynamiter mes digues, le coronavirus et l’annonce du confinement.

J’ai traversé l’inconnu, la peur, l’incertitude sanitaire, et j’ai retrouvé mon ancrage. J’ai peut-être gagné en maturité. Ce qui est certain : j’ai gagné en détermination, en affirmation de moi. Pas le temps pour leurs conneries, j’écris.

Alors c’est reparti, sur ces pages, l’exploration des idées, des histoires, des formes. Et ailleurs, c’est bouchées doubles sur l’écriture, les histoires, les publications. Le seul frein qui s’y opposait, c’était la peur du vide, le vertige que cela demande de traverser le ravin, qui sépare ma vie rêvée de mon rêve vécu, sur un étroit fil tendu.

Au programme des prochains mois, voilà ce que j’ai prévu :

  • De nouvelles publications
  • Des envois à des éditeurs traditionnels
  • Beaucoup d’expérimentations qui n’aboutiront pas
  • Des livres vendus
  • Des livres écrits, réécrits
  • Tout donné, sans compter, sans retenue, avec audace et engagement
  • Ouvrir les portes de mon processus chaotique (pour assister à ce carnage de mots et d’émotions, inscrivez-vous à la liste de diffusion)

On ne va pas se laisser emmerder. Alors, si vous avez envie de vivre des émotions fortes par procuration, de flipper à l’envoi d’un manuscrit, de vous impatienter dans l’attente de réponses, de grincer des dents en trouvant des coquilles dans mes bouquins autopubliés, de rire, de vous ennuyer par moments, de souffrir du découragement, de jouir de la vie, du soleil, des corps, du jeu, de l’aventure…, si vous avez envie de quelque chose comme ça, je vous invite à être là, sur cette page, une fois par semaine, peut-être le dimanche – j’aime bien le dimanche pour publier ici, mais la réalité imposera son propre calendrier –  et à vous inscrire à la newsletter pour recevoir, à un rythme irrégulier, une vision plus brute, plus écorchée, plus à fleur de peau de mes actes d’écriture.

Combien de temps durera cette saison ? Je l’ignore.
De quoi parlera-t-elle ? Des choses habituelles : la créativité, le sexe, la rencontre avec le réel, les rencontres, l’audace, l’ambition, l’impératif d’être soi, l’art, la liberté d’être et d’aimer, la paresse, le vivant, quoi.

On m’a dit : « Qui ça va intéresser ? Moi je ne lirais pas un blog sans fonction précise. » J’ai dit « Mince, j’aimerais bien que ça intéresse des gens, moi, et que ça me rende riche et célèbre! », alors j’ai réfléchi à des sujets précis, des trucs pratiques, des astuces pour ci ou ça, du pragmatisme. Et je me suis ennuyé. Au bout de deux secondes. Si je devais faire un truc pratique ce serait un guide d’anti développement personnel, parce que j’en ai soupé, de la section bien-être de l’Internet et des librairies.

Et je me suis dit « Tant pis, ce sera un espace sur rien, pas sur moi, mais à partir de moi. » C’est mon boulot, après tout, de regarder le monde et de rire de son absurdité, de m’émerveiller de sa beauté, de pleurer de sa tristesse… et de le faire d’une manière un rien esthétique.

On m’a aussi dit « c’est ce qui fait ta marque, ce regard, cette sensibilité, indépendants d’un genre particulier ou d’un sujet précis ».

Je le tente, comme on se lance dans un projet d’art, sans idée d’où cela aboutira, ni du chemin que cela prendra.

Je le tente, comme une invitation à entrer dans le monde de mes pensées, dans le chaos de mon regard, et dans le vivant de ma création.

Imaginez. Dehors il pleut, c’est le soir. Vous courez à petites foulées, mal protégé·e par un parapluie. Vous vous réfugiez à l’intérieur d’un petit théâtre où vous fait face un mur peint d’un crâne aux cheveux longs, vu de dos, en trompe l’œil. Une porte s’ouvre au niveau de l’occiput. Vous entrez. À l’intérieur, une salle sombre, une lumière rouge rubis, ou rose framboise, ronde. Prenez une chaise, un pouf, partagez un banc, la lumière va s’éteindre, le spectacle va commencer.