Mes journées en mode avion

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Certains soirs, je mets mon téléphone en mode avion, je débranche l’Internet, et je ne les rallume pas pendant toute la journée qui suit.

Je me coupe du monde extérieur. Je recentre mon attention sur ce que je vis ici et maintenant, pas sur ce que je pourrais vivre ailleurs et dans un autre temps.

Je n’ai pas peur d’être seul. Il y a parfois des angoisses et des chagrins qui me rattrapent mais je leur ouvre les bras. Ils appartiennent à ma vie.

Comment ne pas être angoissé alors que les sentiments s’amenuisent et que les personnes disparaissent.

La mort, le silence, la déchirure nous attendent au tournant, c’est inéluctable.

Je n’ai pas envie de mourir. Je n’ai pas envie de vivre. Il y a trop de jours à remplir, trop de vide, trop de beauté.

Je suis fatigué d’avance à l’idée de toute l’intensité émotionnelle qui m’attend. Les rencontres magiques, les déchirements.

Ma vie est une lutte entre mon ambition et ma résistance. De défaite en défaite, j’écris la vie qui aura été la mienne.

Je chute avec gratitude. Je lutte avec gratitude.

Sur mon bras, j’ai écrit: « les guerriers combattent et le combat n’a pas de fin ».

Chaque matin révèle un nouveau champ de bataille. Hier c’était la fatigue l’ennemie, aujourd’hui c’est un trop plein d’excitation.

J’ai eu honte d’être moi. Je crois que c’est le cas pour beaucoup d’entre nous. Je me comparais aux autres, à ceux que j’admire, à ceux que je n’admire pas mais qui ont ce que je n’ai pas. Je regarde les accomplissements de l’humanité qui m’a précédé. Je me dis: « je n’arriverai pas à faire aussi bien ».

J’ai fait la paix avec moi-même le jour où j’ai compris que j’avais une voix et un regard. Je vois des choses que les autres gens ne voient pas. Parce que j’ai ouvert des portes dans ma perception. Parce que je n’ai jamais vécu plus de cinq ans dans une même ville jusqu’à mes trente ans, parce que j’ai vécu sur deux continents. Parce que j’ai lu. Parce que j’ai vécu. Parce que les amis dont je m’entoure s’assurent que je garde les yeux ouverts.

Je vois la beauté dans le monde. Je vois la souffrance. Je vois la folie de ceux qui noient dans l’avoir leur peur d’être. Je vois l’absence de communication et l’absence d’authenticité. La peine de ceux qui s’interdisent de vivre. Je vois la culpabilité de ceux qui s’y autorisent.

Isabelle me dit: « je suis peut-être égoïste », je réponds: « tu es à l’écoute de toi-même ».

Avec ma voix je les raconte comme moi seul peux les raconter.

Quel est votre regard ? Quelle est votre voix ?

J’ai créé les conditions de ma liberté. Je n’ai pas attendu qu’elle me soit offerte.

Je suis maître de mon temps. Maître de mes journées. Maître de mes nuits. Je n’ai personne à blâmer pour ma vie.

Une fois que mon doigt n’a plus su qui pointer, mon bras est retombé et le silence s’est fait.

La réalité m’est apparue dans toute sa nudité. Elle m’a dit: « Tu as couru toute ta vie après la liberté. Maintenant qu’elle s’est posée sur ta paume, auras-tu le courage de t’en saisir ? »

Lorsqu’il n’y a plus ni coupable ni excuses pour justifier notre paresse, inventons-nous une nouvelle illusion ou prenons-nous notre ambition à bras-le-corps ?