Lapin blanc

Avec tout ça j’ai oublié qu’on était mardi.

Première radio ce matin. Passage en bateau. Respiration. Découvrir Fabcaro. Traîner. Courir. Prendre un vélo. Penser qu’on est jeudi. Être décalé.

Ces derniers dix jours je n’ai eu qu’une idée en tête: « je passe à la radio bientôt. Fuck ».

Première fois. Pas de repères. La seconde fois sera plus facile, c’est clair. La cinquième m’ennuiera.

Maintenant je respire. Le trac m’a lâché. Il est retombé lentement au fil de la journée, le temps pour mon cerveau d’intégrer toutes les informations qui lui permettent de comprendre le contexte de la radio, de me dire: « voilà où j’aurais pu faire mieux » (prendre le contact de ce vigneron qui passait après moi dans l’émission, par exemple).

Je prends rendez-vous pour un café Vendredi. Je me dis « c’est demain ».

Perdus Mercredi et Jeudi, où sont-ils passés ?

Et puis soudain, je ne sais ni comment ni pourquoi, la prise de conscience: « Mais si on est mardi, ça veut dire que le blog attend sa mise à jour ? »

Je n’ai plus de billets d’avance. Quelques brouillons commencés (Écrire sa vie, pour faire écho à la radio, questionne le double sens de l’expression).

« Écrire, m’a-t-on dit récemment, c’est enterrer quelque chose ». Je réponds « Écrire c’est, pour moi, planter des graines. Vous avez écrit votre vie de vos vingt ans à vos vingt-huit, vous en avez trente, qu’écrivez-vous si vous écrivez ce qu’il se passe de trente à trente-huit ? »

Lumières dans les pupilles de mon interlocuteur.

L’autre soir, j’aurais pu travailler sur le roman, ou sur le blog, ou sur le livre. Au lieu de ça j’ai passé un temps indécent à récupérer des images sur Pinterest. Des tas de trucs en vrac (non parce que s’il avait fallu le ranger en plus…).

En tous cas, ça m’a fait gamberger cette histoire. Comment 14 minutes d’antenne peuvent canibaliser l’attention d’une semaine et demie ? Tous les matin, dans mon journal (et de plus en plus lourd à mesure que l’on se rapprochait de la date): « Radio ».

Le fait que j’organise des conférences en direct toutes les semaines depuis 2 ans, que j’aie des vidéos sur Youtube, tout ça tout ça, que je sache parler de mon métier, rien de tout ça ne m’a épargné le trac. Donc il se passe quoi, là ?

Le chaos.

Je ne suis pas allé chercher Isabelle Wagner, c’est elle qui est apparue soudainement dans ma messagerie Facebook en me disant: « ça me ferait plaisir de vous avoir à l’antenne ». Je suis flatté. Et rattrapé par mes insécurités: « suis-je à la hauteur ? »

Je ne vais pas m’étendre sur la banalité de cette inquiétude. Ce qui est intéressant c’est de savoir ce que l’on peut en faire. Dans mon cas, c’est ok, je comprends les enjeux, je comprends le but de se confronter à ce qui est effrayant (le rendre banal).

De quoi j’ai peur ? De me ridiculiser, de perdre toute forme de crédibilité, de raconter n’importe quoi, de bafouiller, de ne pas bien articuler, de parler trop vite, de dire des choses trop banales, de dire des choses trop complexes. Que l’on me voit comme un imposteur parce qu’en 14 minutes, comment je fais pour montrer ce que je sais être ?

Haha. Si j’étais mon client, je me répondrais que la réponse est dans la question.

Alors je me pointe en étant moi, tout simplement. Ouvert à l’expérience, en me disant: « les dés sont jetés », c’est le grand saut, je suis dans le vide maintenant et le parachute m’écrase le dos. Et je n’ai ni le temps de flipper ni le temps de me regarder tomber. Je chute, c’est tout. Et en même temps j’ai l’impression de voler.

Et puis c’est terminé. J’ouvre le parachute et descends tranquillement.

L’expérience se clôt comme la grille qui mène au studio.

Je n’ai pas réfléchi quand j’ai dit « oui ». Je n’ai pas pesé le pour et le contre, je n’ai pas calculé ce que je pouvais en tirer, je n’ai pas mesuré les risques. J’ai juste dit « Oui ». Parce que l’expérience en elle-même me fait grandir et que c’est tout ce qui m’intéresse: apprendre encore et encore, être à l’aise avec de plus en plus de choses. L’autre jour je me disais que je prendrais bien un cours de dressage de serpents ou un truc du genre, parce que je suis flippé de ces bestioles.

Aujourd’hui, journée off. Demain, je reprends la course. Podcast sur le changement avec Guillaume. Corrections du Livre. Activités périscolaires. Mes parents de passage en ville. Si j’ai l’énergie j’avancerai sur le Roman. Ce weekend, c’est le départ d’une nouvelle aventure d’accompagnement d’auteurs. Level up, tout ça.

La plupart des décisions sont bonnes, quelles qu’elles soient. Prendre plus de deux secondes pour les prendre est souvent inutile. C’est une fois que la décision est prise que les peurs ont le droit de venir, parce qu’avant, elles paralysent et retardent le fait d’oser.

Or oser, c’est un peu la clef de la vie, non ?

A l’auteure que j’ai reçue cet aprèm, j’ai dit: « il faut poster le manuscrit, là ». Elle l’a fait.

Oser.

« Le livre, lui ai-je dit, une fois qu’il est écrit, c’est à lui de se porter tout seul, faites-lui confiance, donnez-lui la chance de séduire, de convaincre, d’emporter l’adhésion des lecteurs. Si vous le retenez, vous l’étouffez. Votre responsabilité a été de recevoir cette idée, de l’écrire au mieux, mais maintenant elle est de la renvoyer dans le monde. »

C’est vrai de toutes les formes de création mais aussi d’autres aspects de la vie. Nos décisions professionnelles ou relationnelles, qui les prend ? D’où viennent-elles ? Qui décide qu’il est temps de changer de métier ?

Je ne parle pas du moment où vous prenez la décision consciente mais de celui qui précède. Du moment qui vous fait sentir qu’il est temps de mettre les choses en mouvement. Ma grande question du moment c’est de savoir comment réduire le temps de latence entre ces deux moments, comment passer de l’intuition à l’action plus tôt.

Comment faire confiance au chaos… ou ce qui se donne l’apparence du chaos tout en étant l’ordre le plus authentique.