Ce qui me rend si formidablement singulier

Je suis un auteur de genre. Depuis que j’écris. Science-fiction, anticipation, fantastique, un peu de fantasy, de l’érotisme, de la romance, des histoire d’aventure…

Ça me rend compliqué à suivre, compliqué à cataloguer, et à marketer. J’hésite régulièrement à créer des pseudonymes, des personnalités alternatives, et puis je me souviens que ce qui compte pour moi, ce n’est pas d’entrer dans la bonne case, c’est de créer ma propre case.

Ces derniers mois, je ne me reconnais pas dans les articles de ce blog. Si je suis honnête, je me suis inspiré, dans les premiers années de cette plateforme, des diaristes, des romantiques XIXe, de cette forme d’autofiction qui se nourrit du mélodrame.

Je l’admets. C’est une sale habitude, mais c’est plus facile d’écrire à partir d’un état mélancolique (merci le spleen baudelairien 😁). C’est un état que j’apprécie, la mélancolie. Ce repli contemplatif sur soi est confortable et chaud et franchement pas désagréable.

Le problème, c’est qu’il ne ressemble pas à ce que je suis.

Et il n’y a rien de plus compliqué que d’être en dissonance avec soi-même. Pourquoi mettre en avant ces épisodes de basse énergie émotionnelle quand je passe la grande majorité de mes journées à un niveau élevé, joyeux, enthousiaste, excité ?

J’ai rencontré deux types de réactions face à cette dissonance : les gens qui pensent que ce que je montre ici est mon essence, qui rient quand je me définis comme une personne joyeuse ; et ceux qui perçoivent mon énergie de vie, ma détermination, mon enthousiasme, et se demandent si c’est bien moi qui écris les articles de ce blog.

J’ai décidé d’harmoniser tout ça. La grande question, c’est comment. À quoi ressemble un billet écrit dans la joie ? À quoi ressemble un billet intéressant, écrit dans la joie ?

Si l’on considère un blog comme un magazine, même hyper spécialisé, et pas uniquement comme un journal, alors il faut un sujet. Jusque là mon sujet était quelque chose autour des questions existentielles. Ça a été mon sujet de recherche personnel pendant quinze ans, la raison pour laquelle je suis entré en fac de philo, la raison pour laquelle je suis allé en anthropologie.

Mais je n’ai plus de question existentielle fondamentale. Je sais comment je fonctionne, je sais ce que je veux et je sais comment l’obtenir. Je le résume à ça parce que pendant longtemps ma recherche philosophique était tournée autour de : « qu’est-il bon que je fasse ? » ; « À quoi est-il bon que je consacre ma vie ? » ; « l’humain est-il sur Terre pour une raison ? »

Et même si je ne suis pas convaincu tous les jours de ma réponse à la troisième question, les deux autres ont trouvé leur raison. Je ne suis pas à pour créer du sens, je suis là pour prendre du plaisir. Je ne suis pas là pour produire un grand œuvre, je ne crois pas à la vision élitiste de l’art selon laquelle certaines œuvres méritent des accolades, des prix Nobel, ou que l’on s’évanouisse devant leur génialissimité. Tout ça n’est qu’un jeu auquel les humains se livrent pour passer le temps, ou pour se rassurer de quelque chose, pour consolider l’illusion de leur ciment social. L’humanité est vieille de 10.000 ans. Le prix Nobel a à peine plus d’un siècle. Il est un objet de la société qu’il contribue à renforcer. Je prends celui-ci, je pourrais en prendre un autre. (je ne sais pas pourquoi je m’en prends au prix Nobel aujourd’hui, je n’ai rien de spécial contre lui)

À chaque fois qu’on me parle de prix ou de reconnaissance, je repense à l’allégorie de la caverne de Platon, à ce passage :

Or donc, se souvenant de sa première demeure, de la sagesse que l’on y professe, et de ceux qui y furent ses compagnons de captivité, ne crois-tu pas qu’il se réjouira du changement et plaindra ces derniers?
[…]
Et s’ils se décernaient alors entre eux honneurs et louanges, s’ils avaient des récompenses pour celui qui saisissait de l’oeil le plus vif le passage des ombres, qui se rappelait le mieux celles qui avaient coutume de venir les premières ou les dernières, ou de marcher ensemble, et qui par là était le plus habile à deviner leur apparition, penses-tu que notre homme fût jaloux de ces distinctions, et qu’il portât envie à ceux qui, parmi les prisonniers, sont honorés et puissants? Ou bien, comme le héros d’Homère, ne préférera-t-il pas mille fois n’être qu’un valet de charrue, au service d’un pauvre laboureur, et souffrir tout au monde plutôt que de revenir à ses anciennes illusions et de vivre comme il vivait? 

Platon, la République, livre VII.

À mes yeux, l’art est un artisanat. Je crois qu’il est aussi utile de lire des romans (ou de contempler des toiles, ou d’écouter de la musique…) que de faire appel à un maçon. L’art est une nécessité de la vie humaine au même titre que le travail de la forge l’est. Son utilité est contestée. Certains artistes et philosophes de l’art aiment arguer de l’inutilité de l’art, mais s’il est inutile il l’est autant que de se construire une maison alors qu’il existe des grottes dans la nature.

Je me considère comme un artisan. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas d’être reconnu, c’est de produire. De prendre des idées et d’en faire des histoires. Et j’espère que mes histoires peuvent toucher leurs lecteurs, parce que de la même manière que le plombier doit savoir faire circuler l’eau dans ses circuits, l’artiste doit émouvoir.

C’est ce que je dois faire : raconter des histoires qui touchent celles et ceux qui les reçoivent. Je le fais à l’écrit, je le fais sur scène quand je chausse mon nez de clown. Je le fais à l’oral quand j’accompagne des auteurs.

C’est pour ça que j’aime autant l’écriture de genre, parce que les histoires y naissent avec une aisance et un naturel qui ne se retrouve pas dans la littérature blanche.

Mais comment faire un blog de genre ? Quoi raconter ici, qui ait à la fois le pouvoir de créer de la cohérence dans mon message, et d’intéresser les lecteurs ? C’est toute la question. Mes livres sont les espaces où existent mes histoires. Mais le blog ?

J’ai décidé, cette saison (j’aime parler des saisons de ma vie d’artiste), de résoudre l’énigme. De faire de ce lieu une œuvre à part entière, une histoire à part entière, avec sa construction et sa progression, et sa structure, et ses émotions. Reste à savoir ce que je vais y raconter. Et si cela vous captivera.

À suivre…