Elle n’a vécu que pour son ambition artistique, sacrifiant tout à ses projets les plus incandescents. Elle n’a jamais percé. Elle n’a jamais touché le gros lot, vit de petits cachets, ne manque ni de talent ni de volonté. Elle travaille jusqu’à l’épuisement. S’il lui a manqué quelque chose, c’est d’un peu de chance. Elle a lu — puis brûlé — tous les livres de développement personnel, ceux qui encouragent la responsabilité individuelle, ceux qui oublient les accidents de vie et l’indifférence du réel.
Elle n’est pas aigrie, juste un peu triste. Elle aurait aimé goûter à la gloire, goûter à la lumière des projecteurs. Elle n’en veut à personne, ni à elle ni à la vie. Elle n’a aucune religion, rien qui puisse la consoler de la vie qu’elle n’a pas eu, elle ne croit ni au karma ni à la rédemption. Elle est arrivée là par accident un soir de Juin, elle repartira un jour et s’effacera de la mémoire du monde.
Le seul sens qu’a la vie c’est ce magma d’émotions qui la traverse, qui lui rappelle qu’elle est encore là, debout. Tant qu’il lui restera un souffle d’émotion, elle continuera à le danser et le faire danser, parce que c’est dans la danse que l’existence s’exprime au mieux, qu’elle s’épanouit et trouve sa pleine densité, dans le mouvement que le corps, l’esprit et le reste s’alignent.