Partager l’excitation

Certains jours de l’année, j’ai cette tendance à ne partager sur ce blog que les passages à vide ou à l’inverse un état d’esprit volontariste et productiviste avec lequel je me sens de plus en plus en dissonance. J’ai décidé de changer ça.

Zaho dit en interview « Avant je faisais partie des mélancoliques anonymes. J’en fais toujours partie mais je suis moins anonyme ! (Rires) Mais je n’étais moi-même et je ne m’exprimais profondément que dans la souffrance. Ça me faisait chier d’écrire des morceaux joyeux. J’étais capable de le faire mais c’était moins mon truc. Aujourd’hui, j’aime tout faire. » Et de le présenter comme un trait de maturité : « Ça fait partie de l’expérience. On digère les choses, on devient moins drama…  » Je rejoins cette idée.

L’enthousiasme vient de l’alignement à soi, de la congruence entre ses aspirations (plus ou moins conscientes), son environnement et ses actions. Les émotions servent de repères permettant d’alerter l’esprit (conscient) sur ce l’alignement qui fait défaut, sur un manque de clarté vis-à-vis de qui l’on est et de quoi l’on a besoin.

Plus exactement, un manque de clarté sur qui l’on est à cet instant. La perception que l’on a de soi-même – dans une certaine mesure, qui l’on est – est en mouvement permanent.

Nos besoins et nos désirs changent. Cette semaine, alors que je traine une profonde frustration existentielle depuis plusieurs mois, je me suis occupé de ma comptabilité et de mon administratif.

Sans surprise, je me suis senti aussitôt plus à l’aise, plus détendu, plus joyeux, la vie est devenue plus simple parce que je ne gaspille plus mon énergie à résister à mon besoin de prendre soin de mes obligations sociales.

Cela ne signifie pas que je ne sois pas encombré par ces obligations, que je ne dénonce pas leur absurdité, seulement j’ai besoin de me plier à la réalité, pas d’être dans son déni.

Si être adulte c’est savoir répondre à ses propres besoins, et si répondre à ses besoins donne un sentiment de satisfaction et de congruence, alors oui, savoir parler de la joie est un signe de maturité. (Parce que c’est être mature que de s’occuper de ses besoins, vous suivez ?)

Je crois qu’il y a de la facilité dans le fait de communiquer le négatif et il y a la recherche (plus ou moins assumée) d’une prise en charge.

J’aime me faire cajoler quand je ne prends pas soin de moi. J’aime pouvoir envoyer un texto ou un post sur les réseaux et recevoir des messages de soutien. Ce que je voudrais surtout c’est que l’une de ces personnes débarque chez moi, me mette sous une couverture avec un chocolat chaud et un bon film et s’occupe de tout.

Fantasme d’enfant

Être pris en charge n’est pas un problème en soi, ça me soulage quand quelqu’un s’occupe de mes affaires. Mais ce n’est pas durable.

On a tous une vie à gérer, à part pour la vingtaine d’années où l’on porte la responsabilité d’un autre être humain, devenir adulte c’est intégrer la devise: « Démerde-toi avec la réalité ».

J’adore ça ! Comme je l’écrivais sur Insta, ce qu’il y a de mieux avec la réalité, c’est qu’elle refuse de se plier à notre volonté.

L’amour du mystère

J’aime les énigmes. Et me trouver face à l’imprévisibilité du réel tout en cherchant à bâtir une continuité dans ma chronologie biographique, c’est le plus excitant des mystères à élucider.

Pourquoi je n’ai blogué sur ce thème qu’en mode « pôvrdemoi » vient d’un manque de clarté sur le plaisir que je prends à ce jeu en face à face avec la réalité.

Cette année j’ai eu l’opportunité de travailler sur ces idées. En vrac: mon thrill face à chaque escape game, ma rencontre avec l’aspirations au calme d’autres personnes (et mon rejet épidermique de cette perspective), le renouement avec l’esprit d’aventure chez certains personnages de mes histoires, et un périple improvisé en Biélorussie sans autre raison que « allons voir ».

Danser avec le réel

J’avais tendance – par mimétisme social surtout – à me plaindre de la souffrance de cette danse avec le réel, ce qui me faisait flirter avec un masochisme dans lequel je ne me retrouve pas.

Désormais je vois l’excitation, le plaisir, l’euphorie du mystère à résoudre, du nœud existentiel à dénouer.

Je le vois dans mon écriture et les projets pulp qui sortent sur mes pages, projets dont Recharger était une timide préface, dont Slack est le prototype.

Mes nouvelles érotiques, publiées à la Musardine, sont un geste public de revendication assumée de mon esprit pop, d’une écriture qui prend au sérieux le fait de rêver, de rire, de vibrer, de faire mouiller.

À quoi ressemble le sexe d’une fée

À chaque découverte de soi correspond une révolution de la persona. Depuis septembre je cherche comment exprimer cette riche légèreté, cette joie audacieuse et jubilatoire qui accompagne le simple fait d’être.

Je remercie toutes les personnes dont j’ai croisé le chemin depuis cet automne, parce que chacune a été un contrepoint sur lequel composer ma propre mélodie. Merci ! Je vous aime ! (Certains plus que d’autres mais globalement je vous aime).

Ce virage ne signifie pas que je ne vais pas encore me plaindre. Je reste vivant, c’est-à-dire mouvant, c’est-à-dire qu’il y a des moments où j’ai encore envie qu’une fée descende sur moi et résolve tout d’un coup de baguette magique et rit avec tolérance à mes lourdes tentatives de voir sous sa jupe (sérieux, à quoi ressemble le sexe d’une fée ?)

Ce virage c’est juste l’affirmation un peu plus forte que j’assume qui je suis, même si ce n’est « qu’un » auteur pulp prolifique par caprice et vaguement hypersensible.

J’espère que ça vous plaira et vous inspirera à assumer vous aussi votre kif !