Toujours inattendue si la proposition est courageuse. Souvent décevante et répétitive, ce n’est pas une raison pour cesser d’essayer, pour cesser de se jeter au cou du monde.
La réalité est sans appel, pas ouverte à discussion. Ce que tu vis est là, c’est ce que tu en fais qui t’appartient. Comment tu t’empares de ce que le monde te jette dans les bras, si tu y vas avec audace, sans avoir peur de la perte, sans craindre ses griffures ou les bleus qu’elle peut laisser.
Ils passeront.
Comme sont passés mes mois de désespoir à ne plus savoir quels buts poursuivre, à quelle vision d’avenir me raccrocher. Le monde, parce que je lui ai laissé du vide à remplir, m’a couvert d’offrandes en guide de boussoles.
On a ces savoirs, qui sont répétés partout, sur la persévérance et la résilience, sur la loi de l’attraction, sur la dialectique entre soi et l’univers. Dans les livres, j’ai souvent l’impression d’une réalité faite de paillettes et de scintillante poussière de licorne.
La réalité est plus crue. Elle te roule dans la boue, elle te laisse te démerder avec ta souffrance et ton errance, elle t’offre des échappatoires, paradis artificiels anciens ou modernes qui promettent de t’éviter la promiscuité avec ta propre fragilité, avec tes peurs, ton insécurité, ta flippe de ne plus jamais trouver d’élan de vie alors que tu as à peine 37 ans.
Si tu tiens bon, si tu gardes ton cap, si tu tolères les conséquences de ton errance, si tu persistes à croire en toi, à te chercher, à creuser sous la surface à t’en arracher les ongles, alors il arrive quelque chose.
Dans une conversation avec l’un des cadeaux de ma vie, l’Agent, ressort la culture du positif à tout prix. Il ne faut pas parler des choses négatives, il ne faut pas afficher ces aspects de la réalité qui nous sillonnent le cœur. Je crois au contraire qu’ils sont beaux, ces passages, parce qu’ils mettent à l’épreuve notre détermination à vivre une vie à la hauteur de notre potentiel, à la hauteur des promesses que nous fait cette énergie vitale, cette vibration magnifique qui habite le plus insignifiant d’entre nous, qui pousse à l’invention, à l’autonomie, à l’amour, à la beauté, à l’art.
Passer du temps en silence avec soi, accepter l’ennui et le vide de l’indétermination le temps qu’il faut permet à autre chose d’émerger, une voie, claire, éclairée de toute part par une lumière désincarnée, émanant de la route elle-même et du ciel autour. Clarté et évidence se construisent peu à peu sous le regard ébloui.
C’est dans la tête et dans le corps que ces choses se produisent. Que le sens se fabrique. À force de silence, à force de vide, l’on réapprend à entendre la mélodie du monde en soi. L’on réapprend à se sentir en vie.