J’erre, mains dans les poches, à la poursuite des derniers rayons de soleil de l’automne. Le froid s’est abattu sur la ville d’un seul coup.
Je marche. À l’affût d’un regard qui me sourie, de la promesse d’une histoire possible. Le temps d’oublier que je ne vais nulle part.
Seul après deux semaines d’une agitation fraîche. Seul, sans énergie extérieure pour porter mon désespoir. Je traîne des pieds dans mes Converse. Je survole le monde comme je scrolle mes timelines.
Une chanson triste me fait vibrer : « Tiens, me dis-je, c’est dans la tristesse que je trouve du sens ». Il y a deux jours, je notais une citation d’Edouard Baer. Je paraphrase ici : « l’artiste nous montre qu’il y a de la beauté dans la tristesse ».
Tourneboulé par la cacophonie des injonctions à la joie et au bonheur, je me culpabilise de mon goût saisonnier pour la mélancolie, qui donne des reflets jolis à mon existence.
Sur la terrasse en bois, les feuilles mortes pourrissent en dégageant un savoureux parfum d’humus. Je les remue sans les ramasser, juste pour agiter les molécules qui réjouissent mes narines.
Mon compte en banque flétri, je développe des fantasmes de fuite et de disparition, d’une nouvelle naissance. Me réincarner dans la peau d’un homme aux poches pleines. Les miennes sont trouées.
Si je suis mélancolique, c’est parce que je suis sans projet, sans une raison d’agir plus forte que mon ennui. Je vis pour me projeter. Je vis pour imaginer et inventer des vies parallèles. Certaines sont pour moi, d’autres seront pour des personnages.
Entre les projets, mon humeur se teinte du chagrin de l’attente. J’attends la fébrilité de ma prochaine excitation. Je guette, dans l’air du temps, dans la mélodie des voix étrangères qui accompagnent mes déambulations, le rythme qui entraînera mon imaginaire, qui me donnera l’enthousiasme de me mobiliser.
La répétition m’ennuie. La stabilité me rend morose. Je fais partie de ces personnes qui ne tiennent pas en place, que le familier anesthésie.
Je ne me reconnais pas dans les rêves de sérénité et d’apaisement que l’on me propose. J’aime quand ça brasse, j’aime quand je me frotte à mes limites pour m’obliger à les dépasser. Alors, je cherche mais rien ne vient. Je ne sais plus ce que je veux à part percer dans un milieu autour duquel je ne cesse de faire des ronds comme un drifter dans un parking.
C’est l’automne. On est en Novembre. On sort des vacances. Si tout va bien, je serai à bloc d’ici deux semaines.
Tout va bien.