La nuit est lourde, le ciel menace depuis plusieurs jours.
Le souffle du ventilateur de mon ordi couvre à peine le grincement du disque externe sur lequel j’enregistre une énième sauvegarde de mes fichiers.
Je me demande où je suis passé. Le moi qui ressent, le moi qui écrit parce qu’il peine à comprendre le monde. Je crois que la rythme effréné des factures en retard l’a emporté. J’ai l’impression d’un tambour vaudou me maintient en transe. Loin de mon corps, l’observant à distance, à-travers un brouillard hypnotique.
Quelque chose bourdonne. Peut-être mes tympans en train de lâcher. Ma cheville me fait mal depuis plusieurs semaines. Un faux mouvement que je ne me souviens pas avoir fait m’a laissé une douleur qui se réveille le soir.
Je vais avoir quarante ans dans cinq mois et deux jours.
Demain, je me ferai prélever un flacon de sang pour vérifier que la maladie soudaine qui m’a offert trois séjours à l’hôpital l’an dernier continue bien à me ghoster.
Life as usual
Maintenant, la moitié au moins de ma vie professionnelle et sociale se passe en anglais. So, that happened.
J’ai décidé de re-regarder The Magicians. Le livre et la série sont juste formidables. Ils font partie des raisons qui font que je continue à vouloir raconter des histoires. Parce que des fois, le désir retombe.
La vie est longue, les envies changent. Les gens aussi. Nos identités sont-elles statiques, gravées dans notre ADN et notre éducation, ou sont-elles le fruit de nos décisions, les histoires que nous nous racontons sur nous-même, répétées par habitude ?
Lutter contre soi-même est épuisant.
C’est ce qui arrive quand nos élans profonds se heurtent au tissu de la société dans laquelle on a été projeté. Construire une vie à soi, sur mesure, dans un monde dont les codes ne nous correspondent pas, est une tâche ardue. C’est aussi la seule vraie liberté. Et de la magie très réelle.
Comme toute magie, celle-ci s’exerce dans les marges de la société. En secret.
Elle s’apprend au prix de longs, de patients efforts, de recherches pleines d’espoir dans les rayons poussiéreux d’anciennes bibliothèques.
Elle se maîtrise seulement à force de longues heures d’étude, le plus souvent en vain. C’est une vie consacrée à l’infime probabilité que, peut-être, avec le bon mélange de circonstances et de persévérance, l’on tombera sur quelque chose d’extraordinaire : soi-même dans son expression la plus complètement réalisée.