A dos de cheval, à travers les déserts de la Mésopotamie et de la Mongolie, il erre.
« Que cherche-t-il ? » se demandent ceux qui, depuis leurs maisons, leurs villages, les rues de leurs villes, le voient passer, incapables d’imaginer qu’il ne cherche rien, qu’il se contente de suivre les inclinations de son âme. La route l’appelle et il la suit sans se fixer, ou jamais très longtemps. Il ne cherche rien, il vit, suivant la vibration que le monde fait vibrer pour lui.
C’est un survivant. Il a vu la mort plus d’une fois. Il a accompagné des caravanes de voyageurs décimées par le froid, la faim, la fatigue. Il a fait son possible pour aider, réchauffer, réconforter ceux qui en avaient besoin: les femmes, les enfants, les vieillards et souvent aussi les hommes aux épaules solides à qui l’on interdit de montrer la vulnérabilité, la peur et la fragilité.
Il porte son corps fatigué à travers les plaines et les vallées.
Devenu vieux il sourit moins souvent. Sa peau desséchée se craquelle à la commissure des lèvres.
La vie pour lui c’est la survie du plus fort. Se battre pour des miettes c’est déjà assurer de meilleurs gênes à sa lignée que d’attendre le bec qui nous vomira notre repas prédigéré dans le gosier. Survivre, se battre, résister. Se déplacer pour suivre les saisons, rester toujours à la frontière entre été et printemps, toujours dans l’abondance de la nature.
« Le monde n’est pas fait pour les faibles », dit-il. Ils ont construit des cages pour se protéger du chaos mais leurs cages sont en papier et leurs protections sont en verre. Une simple fêlure et tout s’écroule.
Le survivant s’est défait de l’illusion de stabilité. Il précède le changement, il se laisse porter par le vent. Un jour il a le ventre rempli, le lendemain il dîne d’un peu d’eau et ne s’en émeut pas. Il connaît le prix de sa liberté et il le sacrifie bien volontiers.
Photo par Pawel Nolbert sur Unsplash