Sauter dans le vide

Enraciné dans l’écriture comme un moyen de me relier à un monde que je n’ai vécu que dans la rupture et le départ, me voilà face au vide.

Finie la timidité de l’entraînement. Finis le doute et la peur du manque. Fini de tourner autour.

Un second souffle sonne comme un titre prophétique. Rouvrir la route, relancer la vie comme on remonte le mécanisme d’une boîte à musique.

Nouveau chapitre, même histoire. Je reprends le cours de ma vie comme on reprend la lecture d’un bouquin oublié, tranche ouverte, sous le lit. Petit souffle pour chasser la poussière et on repart comme si de rien n’était, les personnages encore frais dans notre esprit, l’histoire encore au clair dans notre imaginaire.

Combien de faux départs, combien de détours avant de se sentir à la bonne place ?

Les routes se ressemblent, c’est à s’y méprendre. On croit prendre l’autoroute et l’on se perd sur de petites routes de campagne qui s’arrêtent au milieu de nulle part. Quand j’ai embarqué pour ce voyage, je croyais que ce serait simple : j’allais écrire des histoires et il se passerait ce qui arrivait aux histoires, elles seraient refusées ou publiées et je me débrouillerais avec les conséquences de ça. Je n’avais pas idée de toutes les tentations, de toutes les formes que peut prendre l’écriture, des mirages que l’on poursuit parce qu’ils prennent l’apparence de raccourcis prometteurs. Je n’avais pas idée du travail intérieur nécessaire pour se débarrasser de tics de langage, se défaire de ses pudeurs émotionnelles que l’on prend pour des boucliers contre l’intransigeance du monde. Qui ne font que mettre nos fragilités en évidence.

40 ans et l’impression d’être né hier. La vie comme un bon jeu vidéo, où chaque niveau ouvre sur une nouvelle réalité, de nouveaux défis, de nouveaux enjeux. C’est le même jeu, je ne vais pas devenir chef ou marin, même si je caresse cette idée dans les moments où le désespoir l’emporte. Je suis au milieu du jeu et je ne suis qu’au début de la partie. Pas question de m’abandonner à la résignation. Le monde peut bien brûler autour de moi, je cultiverai l’espoir et la foi dans un avenir plus doux.