En entrant dans la salle, il était nerveux-joyeux. Ils étaient plusieurs à être arrivés avant lui. Un visage familier. Un autre. Et des inconnus. Il repéra une place libre. La même que la première fois, il s’en rendrait compte plus tard. Le réconfort de l’habitude. Un échange confiant avec l’un d’eux, et il se sert un café, pour s’occuper les mains, pour se cacher derrière le gobelet.
Mouvement sur sa droite. La jeune femme qui était assise là s’éclipse. Il écoute. Il observe. Il prend ses marques, croise des regards, se force à sourire. Mouvement sur sa droite. Une autre jeune femme arrive. S’immobilise un instant à une place qui n’est pas la sienne. Le contourne pour s’asseoir à côté de lui. Poli, il tourne la tête, pour dire bonjour. Le regard qu’il croise l’emporte ailleurs. Ce n’est pas un coup de foudre, on n’est pas dans ce genre d’histoire. C’est une reconnaissance. « Je te connais, » se disent ces yeux qui ne se sont jamais vus auparavant. Après cette suspension, des noms s’échangent. Ce ne sont pas leurs vrais noms. Ce sont des noms d’emprunt, ceux qu’ils emploient dans cette vie. Les mots sont superflus. Ils veulent se toucher, se sentir l’un près de l’autre. Ils savent qu’ils sont, l’un pour l’autre… quelqu’un. Ils ignorent qui. Ils ignorent quoi. Davantage que de simples passagers de leurs existences.
Ils tentent de se parler. Parce que les habitudes de ces cerveaux dans ces vies, qui disent que le lien se fait par le langage, mais le lien est là, déjà. Leurs regards, leurs corps, le savent. Rien à forcer. Rien à précipiter. Rien à fabriquer. Ils peuvent se contenter d’être, et de savoir leur parenté, son évidence naturelle.