Anaïs Nin a été sur ma pile de livres à lire depuis que j’ai croisé Vénus Erotica dans une librairie montréalaise, quelque part entre 1999 et 2002.
J’ai commencé Henry et June hier et lu la moitié du livre en quelques heures.
Il y avait longtemps qu’un livre ne m’avait pas autant happé, n’avait pas autant résonné en moi. Il y a une aisance et une pureté dans le style d’Anaïs Nin… difficile de croire que le livre date de 1930.
Survendus comme un texte érotique, les Cahiers Secrets sont surtout une porte ouverte sur la littérature et sur l’élan de vie qui anime l’écrivain. A travers ce qu’Anaïs dit de sa propre énergie créatrice et sa description de celle de Miller, je me réconcilie avec la mienne.
Je corne, j’annote, je souligne ces évocations du paradoxe entre besoin de vivre et besoin d’écrire, besoin d’expérimenter et besoin d’imaginer.
Avant d’être le récit d’une histoire d’amour (ce que voit le grand public), les Cahiers sont un témoignage sur l’écriture comme il y en a peu: brut, non travaillé, montrant les mouvements incessants entre enthousiasme extatique et retranchements introspectifs qui caractérisent l’acte d’écrire.
Et cette tension entre rêve et réalité doit exploser quand l’imaginaire devient trop puissant (et il est exacerbé par nature et nécessité chez l’écrivain). Arrive un moment où la réalité imaginée prend corps dans l’esprit de l’auteur. S’ensuit une souffrance terrible. Le monde interne a pris la même densité que le monde externe. Pourtant – paradoxalement – l’auteur est conscient de l’irréalité de son rêve.
Où s’arrête le rêve ? Où commence la réalité ? L’auteur le sait et l’ignore à la fois. Pour sortir de cette tension. Pour se libérer de cette dualité, pour s’extraire du paradoxe, l’auteur est contraint d’agir afin de transformer son rêve en réalité.
C’est dans l’instant qui précède cette transformation que naît la meilleure fiction, celle qui possède à la fois la densité du réel et l’efficacité du fantasme.
On trouve tout cela et bien plus dans les Cahiers Secrets.