Artiste, c’est sérieux, solide, organisé, les pieds plantés dans le sol, les yeux sur la ligne d’horizon.
Artiste, c’est sortir de la consommation, plonger dans les abysses et remonter les mains pleines de limon à sculpter.
Artiste, c’est voir un autre monde, voir entre les lignes de force de l’existence, c’est se sentir là et là-bas, maintenant et demain, dans cette dimension et dans les autres, chaman, magicien, alchimiste, tout à la fois.
C’est loin de la dispersion et du dilettantisme. C’est loin de l’urgence factice de la société des shitty jobs, de la productivité élevée en culte. On arrête de faire pour faire. On crée pour dire. On crée pour fouetter. Réveiller le public. Le ramener à sa mortalité, à la puissance de son existence.
Artiste, c’est s’ouvrir la peau et déverser le contenu de ses tripes pour que le monde s’y reconnaisse. C’est le faire avec une telle maîtrise que non seulement l’on survit, mais on se redresse plus solide et plus fort qu’avant de s’ouvrir le bide. Samurai moderne, on suit un code de conduite strict. Rigueur existentielle pour ne pas oublier de rester présent à toutes les intensités, à tous les doutes, à toutes les peurs, à toutes les envies, à tout ce qui fait la vibration de la vie.
Vivre et ne pas fuir. Brûler les parchemins bouddhistes qui prétendent que le désir est une source de souffrance, alors qu’il est source vitale. Brûler les manuels stoïciens qui se blindent contre l’émotion, les appels épicuriens à l’équilibre. Plonger au contraire dans l’excès non pas de la fuite dans la gratification immédiate mais de l’intensité vécue sans armure. Vivre, quoi. Jubiler et savourer d’avoir le cœur battant et les veines brûlantes.
Hurler, pleurer, rire d’euphorie, rager, plonger encore et encore et encore et encore vers ce qui nous démultiplie. Accueillir à bras ouverts l’altérité qui nous amplifie. Jeter au fossé celle qui nous diminue. Rester aveugle aux langues fourchues qui veulent imposer leur dogme étouffant sous couvert de certitudes et d’absolus arbitraires. Ouvrir les yeux sur sa propre justesse. Plonger dans une existence qui ne soit que la nôtre.
Vivre !