Il y a des jours où j’ai envie de plonger dans le plaisir de la tristesse de vivre, cette mélancolie profonde qui me prend quand je pense à tout ce que j’aime dans cette existence, qui finira dans un instant, un an, ou trente. Un jour je serai mort. Un jour toutes ces belles choses qui m’exaltent et me réjouissent, l’amour, les rencontres, les étincelles dans les yeux des filles quand elles vous aiment, le merle qui niche dans mon jardin, la chaleur alanguie des jours d’été, les pentes enneigées de l’hiver, le temps perdu, le temps gâché, le temps vécu, ces matins à me recroqueviller sous mes couvertures pour profiter un peu plus longtemps de la chaleur et de la détente. La musique, les films de Wong Kar Wai, la poésie de Ben Mazué, les câlins avec mon fils, le flirt, la légèreté de mon pas dans les rues de l’après-midi, à ne rien faire que flâner, l’urgence des échéances qui approchent, ma colère contre l’administration aveugle et sourde, mes larmes qui coulent quand je pense aux amis perdus de vue, aux amours terminées, aux opportunités que j’ai laissé filées, aux réunions de famille qui n’auront plus lieu parce qu’il est parti pour de bon, lui, le patriarche. L’angoisse de mon père qui n’aime pas sa vie, qui se déteste au point de vouloir disparaître. À ce weekend que j’ai passé à son chevet, à lui en vouloir et à rencontrer sa détresse. Je veux écrire un livre qui porte toute cette tristesse, qui parle avec pudeur et avec justesse de la vie, de son énergie douce, de sa finitude tragique et poétique qui est une invitation à vivre. Je ne voudrais pas être immortel. Je ne voudrais pas rester jeune à jamais.
J’ai envie, pour ce roman, de raconter Paris. Parce que Paris est une ville unique et magique et qu’aucune autre ne m’a fait ressentir ce qu’elle m’a fait vivre. Je ne sais pas si c’est la ville ou la période de vie. Si c’est l’imaginaire qui existe autour de Paris ou si c’est la nostalgie, mais Paris…