J’ai lu ce résumé un peu schématique de l’éthique zen: « Une vie difficile bien vécue ». S’atteler aux tâches quotidiennes avec soin. Vivre simplement, dans une forme d’épure matérielle.
Le plaisir du travail bien fait. Le goût du labeur. L’envie de répéter les mêmes tâches jour après jour pour construire, contribuer, occuper la place que nous avons prise ou reçue de l’existence. Ne pas chercher à contrôler nos circonstances et notre environnement. Recevoir le monde et danser avec lui.
Il y a deux choses dans lesquelles j’ai une foi absolue : le hasard et notre mortalité. Quand je parle de hasard, je ne pense pas à la version mignonne genre « oh, quelle coïncidence que nous nous croisions alors que justement je pensais à toi » mais au pur chaos, aux événements qui se produisent sans autre raison que parce que.
Je me suis remis à jouer au loto. Encore plus depuis que j’ai lu des articles démontant cette pratique. « Jouer au loto n’est pas malin », disent ces articles, « la plupart des gens qui gagnent n’ont plus d’argent quelques années après avoir touché le gros lot, CQFD », « ne jouez pas au loto parce que c’est débile ». En toute franchise ces articles tendent à dire « ne jouez pas au loto comme une solution pour sortir d’une vie qui ne vous convient pas » et bien sûr si vous jouez en vous disant « le jour où je gagne au loto je fais ce que j’ai toujours rêvé de faire », c’est la pire des stratégies. Ce n’est même pas une stratégie, c’est un moyen de vous faire croire que vous changerez votre vie mais la réalité est sans doute que si vous gagniez au loto, vous ne feriez quand même pas ce que vous avez toujours rêvé de faire – mais je m’égare.
Le loto est un acte spirituel, un exercice méditatif de lâcher-prise, une reconnaissance des forces du hasard dans notre vie. Je ne dis pas que le hasard est le seul agent du monde, mais c’est l’un des principaux. Mon hypothèse c’est qu’une grande majorité de la misère psychologique et émotionnelle du monde pourrait être résolue si l’on acceptait l’intervention du hasard comme inévitable et si l’on passait moins de temps à essayer de s’en protéger ou lutter contre.
Jouer au loto est un moyen bon marché de se remettre en lien avec cet aléatoire de l’existence. Il y a – pas mathématiquement mais ontologiquement – autant de chances que vous gagniez que de chances que vous ne gagniez pas. Le hasard se moque des probabilités. La vie ne suit pas un fil logique. Et vous n’avez aucun contrôle là-dessus. Vous pouvez établir autant de théories que vous le souhaitez, ces six boules sortiront comme le hasard l’aura décidé ce jour-là.
C’est un bel exercice d’humilité.
Et pour 2€50 vous vous offrez une expérience spirituelle puissante pour peu que vous preniez le temps de jouer en conscience. Et vous contribuez à l’économie nationale! C’est deux en un.
La seconde raison pour laquelle je joue au loto c’est pour méditer sur la possibilité du gain. Si je gagne, je fais quoi ?
La réponse à cette question est souvent révélatrice de nos valeurs et de nos besoins, et aussi de nos envies. « Si je gagne au loto, je m’achète un appartement ». « Si je gagne au loto j’en donne la moitié à ma famille ». « Si je gagne au loto, je pars en vacances pendant un an »…
Donc c’est cette chose-là qui est importante pour vous ? Avoir un toit qui vous appartient ? Donner quelque chose à votre famille ? Lever le pied ? Comment pouvez-vous faire cette chose ou vous en rapprocher dès aujourd’hui ? Parce qu’on n’a pas besoin d’être millionaire pour devenir propriétaire, ou pour apporter de la valeur à sa famille, ou pour prendre soin de soi.
La troisième raison pour laquelle je joue c’est pour arriver à ce constat : passée une certaine somme, je ne sais plus comment dépenser l’argent et je me dis « très bien, alors j’arrête de travailler ? »
Et je réalise que non, surtout pas. Au contraire, je travaillerai peut-être même plus. Je n’aurais pas à disperser mon énergie dans différents domaines pour éviter de garder tous mes œufs dans le même panier (ce n’est jamais une bonne stratégie), je pourrais me concentrer sur un domaine en particulier. Et je pourrais y consacrer toute l’énergie dont j’aurais besoin pour le faire. S’il me fallait un an à temps plein pour rechercher et écrire un livre, je le prendrais.
Ensuite je me dis « alors si je gagne au loto, je baisse mes tarifs de coaching ? » et je réalise que non, au contraire, je les augmente et je deviens plus sélectif quant aux clients que je choisis de servir, ce qui me permet de mieux les servir.
C’est intéressant cet exercice parce qu’il fait émerger tous les freins arbitraires que nous mettons à notre épanouissement intime et professionnel, il permet de voir où notre peur du manque nous pousse à compromettre notre intégrité.
Je pense que c’est indispensable, dans une réalité interdépendante, de faire des compromis. Je crois aussi que c’est important de choisir avec attention ceux que l’on fait. Un compromis, c’est toujours une décision. Quand un client me dit « je n’ai pas le choix », je réponds « Ok, alors tu choisis de ne pas te laisser le choix ? »
Parce que personne ne nous met le couteau sous la gorge (hormis les rares situations où quelqu’un nous met effectivement le couteau sous la gorge), c’est-à-dire personne d’autre que nous-même.
Il y a quelque chose de zen dans le fait de jouer au loto, dans le fait d’accueillir le résultat sans s’y attacher, quel qu’il soit. Quand vous gagnerez, ne vous accrochez pas à cet argent. Utilisez-le comme une opportunité de vous concentrer sur ce qui compte le plus pour vous, développez votre expertise et votre compétence dans le domaine de la création de clientèle, apprenez à construire un revenu à partir de votre singularité, et quand vous gagnerez assez avec votre expertise pour financer votre mode de vie, dépensez le reste de l’argent du loto.
Parce que cet argent, c’est un bonus, pas une finalité. Il n’est pas là pour être investi de sorte à créer plus d’argent ou de sens dans votre existence, c’est un cadeau, c’est une mallette de billets tombée entre vos mains de façon légale. Dépensez-le. Amusez-vous. Il n’y aucune raison de ne pas jouer.
On me dit: « il y a une raison, c’est que je n’ai presque aucune chance de gagner ». Je réponds: « Et alors ? »
Si nous attendons d’être sûrs de l’issue de nos décisions pour agir, nous ne faisons rien. Lancez-vous. Faites confiance au hasard pour brasser les cartes à la dernière minute, dans un sens ou dans l’autre. Chaque seconde de la vie est comme un tirage du loto.