Ramasser – Offrir – Recevoir – Déposer

Dans cet ordre

Récolter dans la terre, offrir au ciel, recevoir du ciel, déposer sur la terre. Rien n’est pour nous. Nous ne sommes que l’intermédiaire entre deux dimensions. Lorsque je crée, je reçois les idées qui ont poussé des graines que j’ai semées. J’offre les histoires qu’elles tissent au monde et je reçois en retour gratitude, reconnaissance, leçons, émotions, sérénité, argent.

Je ne dois m’attacher à aucune de ces choses parce qu’elles ne me sont pas destinées. Je les plante à nouveau dans la terre et un nouveau cycle commence. Je récolte, j’offre, je reçois, je plante.

Je n’offre pas ce que j’ai cueilli. Avant, je dois trier ce qui est bon à être donné et ce qui ne l’est pas. Je dois filer le coton puis le tisser, transformer la matière brute pour lui donner une forme digne du destinataire de mon offrande. Si nous nous contentions de ramasser et de tendre la matière sans discrimination ni transformation, nous ne tiendrions pas notre rôle.

Le propre de l’homme c’est de voir le Beau et de pouvoir le produire.

Existe-t-il un sens esthétique chez les autres animaux ?

Nous devons honorer cette singularité en exerçant notre art tout au long de notre vie. Toute minute qui n’est pas passée à transformer l’existence et l’expérience, toute minute qui n’est pas consacrée à créer du beau et du bon et du vrai est une minute perdue pour le Sens.

Ordonner le chaos, tirer une logique de l’absurde, mettre de l’émotion là où il n’y a que des données factuelles, voilà notre vocation.

Ramasser, donner, recevoir, déposer

Lorsque nous donnons le fruit de notre travail, nous pratiquons l’humilité: nous ne sommes que des instruments. Tout orgueil est déplacé parce que ce n’est pas moi qui crée, même si j’utilise les outils que j’ai pris le temps d’acquérir et de peaufiner et de maîtriser, je ne crée rien, je ne fais que recevoir et tailler les pierres existentielles qui se révèlent sous mes coups de pioche.

Recevoir me permet d’assurer ma subsistance pour continuer mon travail d’embellissement du réel. Je ne m’attarde pas sur les honneurs matériels. Je sais q’ils ne sont que distraction. Alors je remercie pour le trophée, je remercie pour le chèque, mais je ne m’attarde pas sur l’objet. L’argent m’achète de la sécurité et quelques luxes pour me récompenser de ma confiance dans ce cercle vertueux de l’art dans la vie.

Déposer, c’est la conclusion. Ce qui vient de la terre, quoique transformé, revient à la terre pour pousser à nouveau, parce que le cycle est un cycle fécond. Des graines naissent des plantes, des plantes poussent des fleurs. Des fleurs émergent des fruits, et les fruits donnent des graines qui fécondent à leur tour la terre.

Il en va de même avec les idées, les conversations, les émotions. Les garder jalousement les tue. La fleur se fane, le fruit pourrit, les graines ne germent jamais et la terre devient stérile.

Si je montre mon travail c’est pour qu’il puisse ensemencer votre esprit, faire éclore votre imaginaire et polliniser votre réalité émotionnelle.

Chambre 501, par Anaël VerdierDans mon écriture, j’essaye de capter ces moments de bascule de l’existence, de saisir le point liminaire où la réalité se fissure et devient toute autre. La série de nouvelles que je termine cette année est concentrée sur la relation amoureuse. La rencontre, la rupture, les instants charnières où les sentiments naissent et se défont.
Chambre 501 est la plus récente de ces nouvelles.