Peur d’être libre

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« Si tu les laisses enfermés, ils ne rêvent que d’une chose c’est de partir, comme s’ils ne pouvaient se définir qu’en réaction au monde que tu leur offres.

– Je crois que les gens ont peur de leur liberté. Quand je laisse la porte ouverte c’est pour qu’ils aillent vivre leur vie, faire leurs expériences. Mais ils restent.

– Moi je n’ai pas envie qu’ils partent. Je tiens à eux, tu sais, alors je veux les garder avec moi un peu plus longtemps.

– Tu les aimes alors tu les enfermes ?

Sourire gêné : « Oui… C’est mal, hein ? »

Haussement d’épaules.

Il est déjà en train de penser à cette idée: les gens ont peur de leur liberté. Ils passent leur vie à créer leur propre enfermement, à se limiter comme pour devenir certains qu’ils n’auront pas à se confronter au grand inconnu. Mais ils le rêvent ce grand inconnu. Parce que c’est là qu’ils sont, eux, leur essence, qu’ils peuvent se découvrir, se réaliser, être eux-mêmes pour de vrai, sans excuse ni justification. Juste être et découvrir que quand ils peuvent ils veulent.

Et ils en ont peur de ce grand inconnu parce qu’alors, si on les aime pas, ils ne pourront plus dur que c’est à cause de toutes les raisons qui les empêchent d’être eux-mêmes, toutes ces raisons toutes faites qu’ils ont soigneusement inventées avant de les rendre réelles.

Mark me parle de son minimalisme pour m’expliquer pourquoi il y a autant de bazar sur son canapé avant de se reprendre: « ton lit, sur ton lit ». J’ai un lit qui m’attend à Toronto. How cool is that ?

Le fruit du grand inconnu.

Être soi, ouvert aux rencontres, et s’offrir la liberté de vivre sa vie comme un jeu d’impro.

Le grand inconnu est rempli de belles choses, de personnes formidables, d’une nouvelle version de soi, d’une meilleure version de soi. Pour peu que l’on accepte d’aller y voir et de, peut-être, faire fausse route.

Mark, encore: « je plonge trop tôt dans les relations ». Échos de l’abeille qui bourdonnait: « je grille les étapes ». Je secoue la tête: « il n’y a pas de trop tôt. Tu peux passer un an à te préparer, à rencontrer cette personne et à chercher à être sûr avant de l’embrasser, tu devras quand même passer trois mois en étant avec elle pour savoir si la relation peut fonctionner. T’être préparé un an n’y changera rien, tu partiras toujours de zéro. »

Les gens fuient la liberté parce qu’ils n’aiment pas les ruptures. Alors ils limitent leur capacité à se rencontrer. Parce que ça pourrait ne pas marcher. Parce qu’ils pourraient vivre l’inconfort des conséquences de ce « ça ne marche pas ».

Mais ils n’ont rien défini.

« Peut-être que nous inventerons les règles au fur et à mesure » lance Jack à Val dans Casual. Que pouvons-nous faire d’autre ?

J’ai passé trente ans à chercher le mode d’emploi de la vie et je crois que je l’ai trouvé. Il contient une seule phrase: « Invente ce que tu veux ».

Crédit photo: Yoann Boyer via Unsplash