Panache

Comment vivre autrement que pour la beauté du geste ? Comment exister si ce n’est que pour les économies et le profit ? Mon hypnotami Samy me dit : « tu es un aristocrate, en fait ». Les gens et leurs catégories. Je m’amuse quand il m’appelle « Le noble errant ». Je ne suis au monde que pour vibrer, pour explorer, découvrir et gambader sur le fil de mes déséquilibres. « Tu es tellement antistabilité que je me demande comment tu tiens debout », s’écarquille le regard de la tortue à qui j’offre mes incertitudes.

Vivre pour la beauté du geste, rien d’autre, parce que le temps est court et la vie légère, parce que les étoiles nous regardent paresseusement depuis leur éternité et que nous ne sommes qu’une ébauche d’étincelle à leurs yeux. La vie ça n’est pas sérieux, même si nous la prenons très à cœur quand il s’agit de la nôtre. Délicieux paradoxe de l’existence.

Une vie n’est réussie que si elle essouffle, si elle ébouriffe, si elle est grandiose. Perdue dans les interminables heures de bureau, dans le brouillard des soucis et des contraintes du quotidien, elle est décevante, percluse de regrets et de reproches et de cette question insoutenable : « De quoi étais-je vraiment capable ? » Je ne suis pas venu au monde pour vivre à moitié, pour me cacher dans l’espoir d’échapper à mes peurs et à mes inconforts mais pour les prendre à bras-le-corps, lutter et valser avec eux.

Ce n’est pas une question qu’il m’intéresse de laisser en suspens, cette question de ce dont je suis capable. Je veux que chaque jour soit consacré à lui trouver une réponse. Pour moi à coups de mots écrits et prononcés, de destins transformés, de générosité d’attention et d’affection, de câlins reçus et de larmes versées de crainte de ne pas être à la hauteur, de frémissements face au vertige d’une vie en plongeon radical, en feu d’artifice intérieur, en éruption d’âme.

Franchir le Cap Horn pour le plaisir de sentir la tempête s’abattre sur le pont du navire, pour la sensation d’être au cœur du monde, d’en côtoyer l’âme, et pour se rappeler de la fragilité d’un corps humain et la puissance de son désir d’être.

Le panache c’est d’agir par goût, parce-que-pourquoi-pas-?, par aventure et en risquant l’échec et l’humiliation autant que l’euphorie de la surprise d’une action aux joyeuses conséquences imprévisible et la fierté d’avoir su, le temps d’une audace, être vivant pour de vrai.