Immaturité chronique

Comme mon fils le dit: « apprendre, cela ne s’arrête jamais ». Qu’avez-vous appris de nouveau aujourd’hui ? Qu’avez-vous fait d’inédit ?

Toujours, après une journée sans productivité, quand la fatigue dénature mon jugement et me fait oublier l’objectivité des choses qui avancent, elles me saisissent.

Ce soir j’ai vu un spectacle de danse. Je me suis dit: « il est primordial de continuer. Continuer à progresser, à apprendre, à écrire, à diffuser, à oser. Oser partager une vision de l’avenir faite de cet amour qui est l’acceptation inconditionnelle de l’altérité, de la sérénité à être soi, et de vigilance écologique ».

Et puis je suis rentré et la fatigue, le soleil, l’inquiétude de la canicule, demain, avec mon fils à l’école (sera-t-il assez protégé ? Seront-ils assez vigilants ? Il a saigné du nez pour la première fois la semaine dernière à cause de la chaleur. J’ai oublié sa casquette dans le train), mon emploi du temps trop rempli (je veux que ça continue), mon compte en banque trop vide (il faut que ça cesse).

Je crois que quand on vit avec l’esprit ouvert, avec un esprit d’adaptation capable d’intégrer sans cesse de nouvelles données pour mieux les intégrer à son vécu, il est impossible de se sentir sûr de soi (paradoxalement, je ne me suis jamais senti aussi sûr de moi que depuis que j’ai fait le choix de l’incertitude). Est-ce une forme d’immaturité ?

Diane me suggère: « Je ne peux m’empêcher de me dire que l’immaturité est peut-être une réalité quasi permanente de l’humain. Notre adaptabilité fait que l’on recommence sans cesse quelque chose ».

Il faut parfois que l’on nous rappelle nos propres évidences. Plus tôt cette semaine, je disais exactement ça à une cliente qui se sentait au bout du rouleau: on est tous là sans savoir comment ça marche.

J’ai beau être assertif, je suis en questionnement constant, toujours à la recherche des indices qui peuvent m’orienter vers une nouvelle connaissance de moi, du monde, du rapport que nous entretenons l’un envers l’autre. L’un nourrit l’autre (l’assertivité nourrit le questionnement et vice-versa).

Postuler l’incertitude et la supériorité de la quête de l’inconnu sur la quête du connu n’empêche pas que, face à la réalité de l’inédit, une vieille et familière compagne ne se manifeste. La peur du neuf, la résistance face à l’inconfort, peuvent affoler la machine. Une légère oscillation de l’axe interne est naturelle face à l’altérité et il n’est pas rare que cette oscillation, amplifiée par le vertige qu’elle provoque, ne devienne un balancement si ample qu’elle en devienne bouleversante.

Au bout d’un moment, le pendule retrouve un axe – le même ou un autre, plus ou moins décalé par rapport à l’axe initial.

Nous sommes dimanche soir, je manque de sommeil et j’écoute des chansons propices à alimenter cet état dans lequel j’aime à me plonger. Certains, lorsqu’ils me voient passer comme ça de l’euphorie à la mélancolie, de l’hyperactivité à l’hypercontemplation, me croient torturé. C’est tout l’inverse. Voir le monde à travers tous ces états, par choix et sans passivité, m’invite à une vie plus riche et mieux remplie.

Comme à travers la lentille d’un kaléidscope je regarde le monde sous l’angle de ses multiples configurations possibles, des petits morceaux arrachés ici, reflétés dans le miroir, juxtaposés à d’autres. Quelle vision magique !

Ce soir au spectacle de danse, je me suis dit: il faut continuer à oser. Oser être moi. Oser écrire, diffuser, partager, donner, recevoir, accueillir, proposer, aimer, vivre, être.

Avoir l’audace de mes idées, même lorsqu’elles sont incomplètes, avoir l’audace de mes sensations, mes émotions, mes sentiments, mes envies, mes désirs, mes aspirations, mes ambitions. L’ambition toujours comprise comme le fait de s’engager vis-à-vis de ses rêves, de leur rendre justice en faisant tout pour les réaliser, pas comme la quête du + mais la quête de la réinvention constante de soi pour se rapprocher un peu plus, un peu mieux, un peu moins maladroitement de soi.

Pour revenir à ce que j’écrivais plus tôt: nous sommes en apprentissage perpétuel, en maturation constante, toujours immatures par rapport à ce que nous serons demain, l’an prochain, dans dix ans. Toujours ignorants par rapport à ce que nous saurons du monde et de nous. C’est dans cette démarche de curiosité et d’enthousiasme et d’excitation que j’aborde chaque nouvelle rencontre, chaque nouvelle expérience.

Et avec une vigilance exacerbée face à mes besoins.

Que se passera-t-il demain ? Je l’ignore mais je veillerai à m’en saisir de façon à augmenter la qualité de mon être-au-monde et de mon être-à-moi. Demain je rencontre un coach vocal parce que j’ai décidé d’apprendre à chanter (juste d’abord, bien ensuite). J’ai décidé de passer un an à pratiquer le chant puis un an à faire le tour des bars, au moins un concert par mois. Peut-être davantage. Comme ça, sans raison, juste parce que j’en ai envie et que cela correspond à mes valeurs d’exploration créative, d’illimité de mes possibles, et de plaisir joyeux.

Dans le même ordre d’idée, j’ai décidé de créer le premier groupe Toastmasters de Bordeaux, parce que j’aime être à l’origine des choses. Pareil, un an et je verrai si je continue ou si je laisse la structure vivre sans moi. Pourquoi je le fais ? juste parce que j’en ai envie et que je peux.

Quand je lui ai parlé du Toastmasters, Eric m’a dit en riant: « Mais tu ne t’arrêtes jamais ». Et ma réaction a été de me dire: « Mec, je suis toujours en première, là. Attends que j’enclenche la seconde. »

Evidemment, je me demande ce qui m’empêche d’être déjà à plein régime et j’ai mes réponses sous la forme de vieilles représentations et de peurs et le bagage habituel. Et je regarde comme j’avance et je réalise que j’ai déjà commencé à accélérer.

C’est bon, tout a commencé.

Je suis enfin l’homme que je voulais devenir. J’ai encore mille-et-une choses à découvrir, à stabiliser, à développer, mais le coeur de l’axe est à sa juste place. Enfin.