A very strange time of my life

Depuis quatre ans, ma vie est une grande étrangeté.

J’apprends à lâcher prise, à être vulnérable, à ne pas lutter contre les hauts et les bas de mes émotions (ils sont non seulement naturels, ils me sont nécessaires pour créer). J’apprends le respect de soi, le respect de l’autre. J’apprends à me traiter comme un adulte et à traiter les autres comme des adultes (ne pas protéger les autres contre leurs émotions)(ne pas me protéger contre mes émotions).

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Depuis quatre ans, je plonge dans entreprise impossible après entreprise impossible et je m’en sors en ayant réalisé ce dont je me sentais pourtant incapable quelques années, quelques mois, quelques semaines avant.

C’est vertigineux mais je ne voudrais pas vivre ma vie autrement

Certains matins sont insupportables, quand mes nerfs craquent d’avoir trop donné ou trop reçu, quand mon corps et mon esprit s’entendent pour se mettre en grève sans préavis, à faire front commun contre ma soif infinie d’exploration, de confrontation au monde, de découverte. Ensemble, ils disent: « wow, stop, pas aujourd’hui! »

Alors je me change en zombie dépressif.

Au lieu d’écrire, de travailler ou de lire, je passe d’un projet à l’autre, ajoute une ligne ici, une ligne là. J’essaie comme je peux de créer quelque chose mais c’est peine perdue. Je suis en grève et ça m’agace. Les négociations sont sans concession. « On veut se reposer! » – « Non, vous allez bosser! »

Je marche à deux à l’heure dans la rue (peut-être parce que j’oublie de me nourrir!), mes neurones peinent à se connecter (peut-être parce que j’oublie de dormir!).

Ces jours-là, tout ce que je peux faire, c’est ça…

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Et écouter fort de la musique déprimante ou rageuse sans réussir à sortir de mon état. Je pense immanquablement à High Fidelity: « qu’est-ce qui est venu en premier ? La déprime ou les chansons déprimantes ? »

Aucun discours de motivation, aucune des techniques de productivité ne fonctionne. Je mets le feu à tout parce que de toute façon, rien n’a de sens.

J’aime ces journées

Elles me ramènent à ma condition humaine, me refont descendre du rush de puissance que m’apporte le reste de ma vie, quand je suis fort et que j’opère depuis mes zones d’excellence.

Ces journées me rappellent que le travail doit être fait et de garder l’humilité de l’artisan, de me remettre chaque jour à fabriquer la petite brique qui servira, plus tard, un jour, dans l’avenir, à construire la maison de mon existence.

Le temps que je me retrouve forcé de prendre pour moi, pour laisser décanter les expériences vécues, est un temps de construction et de maturation indispensable.

Il faut inspirer pour expirer, sous peine de perdre la tête.

Quand je me sens faible d’être vulnérable, quand je me sens fragile, je suis plus ouvert à l’art qui m’entoure et cela renforce mon envie de créer.

La vie créative amplifie les mouvements de la vie tout court

Ces mouvements, entre production et inspiration, entre extase et détresse existentielles, tout le monde les vit.

Parce que j’ai le temps et le loisir de m’y abandonner, je les ressens peut-être davantage que vous. Ma lutte est peut-être plus intense que la vôtre.

Nous apprenons à lisser nos existences, à chercher une sorte de zone d’immobilité que nous appelons bonheur (quand toutes nos émotions sont positives), ou confort (quand nous ne sommes jamais bousculés). On n’apprend rien dans le confort, et le bonheur n’est-ce pas accueillir le monde tel qu’il s’offre à nous et nous offrir au monde tel que nous sommes ?

Ce blog est un exercice de vulnérabilité dont je me tire très mal. Je ne livre rien. Je reste à distance et en surface. Si je m’autorisais la vulnérabilité, je parlerais de mes angoisses et de mes espoirs. Je parlerais de la terreur qui m’empêche de me coucher certaines nuits et de l’excitation qui me réveille certains matins.

J’essaie.

Gueule de bois émotionnelle

« Si vous ne vous demandez pas: ‘pourquoi j’ai partagé ça ?’ c’est que vous n’avez pas été assez vulnérable »

Brenée Brown est l’actuelle Reine de la Vulnérabilité. Elle en a fait son sujet d’étude principal, elle a écrit des livres et donné des conférences sur la vulnérabilité.

Amanda Palmer est l’un des avatars actuel de la vulnérabilité.

Quand je publie ici, je cherche à ressentir une gueule de bois émotionnelle. Si je n’hésite pas à cliquer sur « Publier », si je ne regrette pas mon geste tout de suite après l’avoir fait, je sais que je n’ai pas été assez loin.

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« La prochaine fois »

Chaque fois que je me dis « je serai plus vulnérable dans mon prochain billet », je sais que j’ai échoué à partager quelque chose de vraiment important.

Aujourd’hui, j’écris cet article au lieu d’avancer sur mon roman, parce que mon roman est difficile à écrire, parce que je suis paresseux, parce que j’ai peur que mon roman ne plaise pas, parce que j’ai peur que le temps que je lui consacre soit du temps perdu.

La prochaine fois, la prochaine fois j’écrirai sur mon roman plutôt que sur mon blog, mais aujourd’hui, c’est trop tard. J’ai un rendez-vous dans vingt minutes. Je n’ai plus le temps.

Tant pis…